Lyonnais d’origine, Simon Cohen est né Chaton en 2018 dans son appartement du 18e arrondissement. Depuis, celui qui est devenu deux fois papa a sorti plus de 400 morceaux. Le voilà désormais plus que jamais de retour sur scène.
En novembre dernier, une semaine après avoir rempli un Trianon qu’il a répété dans son salon, Chaton donne rendez-vous au café Mignon. Ce jour-là, un bonnet recouvre sa crinière encore humide suite à sa toilette. Normal : comme presque tous les matins, il a englouti plusieurs kilomètres de VTT en suivant quasi-méthodiquement le tracé de l’épreuve cycliste des JO de Paris.
Ne vous y trompez pas, Simon ne vise pas le Tour de France, même si tourner fait partie de son métier. Pourtant, alors qu’il entame bientôt une série de cinq concerts hors de la capitale, il s’était fait plus discret sur scène ces dernières années. Hormis lors de quelques festivals et des dates à la Boule Noire, à La Cigale puis au Trianon. Trois concerts qu’il a joués à domicile puisque ces salles sont situées dans son arrondissement d’adoption. « Avant Paris et même avant ma vie actuelle, jusqu’à Chaton, Lola et les enfants, je ne me sentais nul part chez moi, confie-t-il. Là où j’ai grandi, j’avais un énorme rejet et là où j’ai voyagé, j’avais toujours envie de rentrer mais je ne savais pas où. Puis en rentrant dans le 18e après le confinement, qu’on a passé malgré nous aux Antilles, j’ai bu un café en bas de chez moi et je me suis dit : “C’est un peu chez moi ici quand même” » Voilà sans doute pourquoi, après un succès retentissant en indépendant, l’artiste reste – comme il le chante dans l’un de ses morceaux - toujours plus Barbès que Saint-Tropez.
Reggae night
Si Chaton a vu le jour dans le 18e, Simon Cohen est venu au monde en 1983, à Décines-Charpieu, dans la métropole lyonnaise. C’est là qu’il obtiendra un baccalauréat S option maths, « après avoir triché à toutes les matières ». À l’époque, l’adolescent est plus motivé quand il s’agit d’accompagner son grand frère à des concerts de reggae. Ses premières claques auditives interviennent à 13 ans, quand il assiste au live de Black Uhuru puis à celui d’Israel Vibration. Formés dans les années 70, ces deux groupes jamaïcains vont participer à son envie de monter sur scène à son tour, ce qu’il fera notamment quand il rejoint la capitale à tout juste 18 ans. Là, sous le pseudo de Siméo, il publie trois albums, dont un élu coup de cœur Fnac en 2006, et multiplie les concerts en France mais aussi en Asie.
Après cette première expérience en solo, l’artiste se met à écrire et à composer pour les autres : Jenifer, Natasha St-Pier, Amel Bent ou Leslie. Une jolie carte de visite au moment de louer son appartement rue de Clignancourt, après plusieurs mois passés dans un hôtel de la rue de Clichy. « J’ai demandé à tous les gens avec qui je bossais de me faire une lettre pour garantir à la propriétaire que je touchais de l’argent. Je lui ai même envoyée un pack de CD des artistes pour qui j’écrivais, rembobine-t-il plus de dix ans plus tard. Ça a marché et aujourd’hui, c’est encore mon appartement, même si s’en est suivie une grosse rupture avec le monde de la variété. » Résultat, il s’enferme pendant six mois dans son appartement et compose Possible, le premier album de Chaton, sorti en 2018.
Depuis, Simon a écrit un livre et un stand-up (voir notre n° 333) et accouché d’une trentaine de projets musicaux. Son style ? Des productions minimalistes qui voguent entre électro, pop et dub*, et sur lesquelles il laisse couler une poésie intime et mélancolique. « Ma musique est assez hybride car j’ai cette double culture musicale : le reggae et la musique électronique, résume-t–il. Avec évidemment, d’un autre côté, celle du texte et de la chanson française dont j’ai hérité depuis que je suis gamin via ma famille. Ma grand-mère, c’est la gauche de Ferré, c’est Moustaki et Brassens. Tous les classiques, on me les a biberonnés. »
Tout pour la famille
Côté biberon, Simon en connaît un rayon, puisqu’avec sa compagne Lola, ils sont parents de deux enfants, Alpha, 6 ans et demi, et Avril, 3 ans et demi. Un sacré changement dans la vie et la carrière de l’artiste : « En 2019, après une semaine de tournée asiatique à travers cinq pays, j’ai eu une sorte de flash en rentrant à l’hôtel au Vietnam. Je me suis dit que je pouvais plus continuer ça, parce que ma fille avait quatre mois. J’ai pris un billet d’avion en perso pour le lendemain 6 h et j’ai annulé le reste de la tournée. Ensuite j’ai honoré quelques dates, notamment en Chine, avec notre fille de six mois, mais à l’issue de ça j’ai décidé d’arrêter de tourner ailleurs qu’à Paris. »
À la place, Chaton reste à la maison. Et quand il ne s’occupe pas de ses ouailles, scolarisés non loin du duplex familial, il passe le plus clair de son temps à composer. Une particularité qui ne nuit pas à la qualité de son travail. Au contraire, selon son ami Sébastien Stefani, directeur artistique chez Columbia, qui le dépeint comme quelqu’un de bon et de profondément sincère, « à force d’enregistrer des morceaux chez lui, ses compétences musicales se sont beaucoup améliorées et sa musique s’est vachement affinée ».
Seul hic, « au fur et à mesure que les enfants grandissent, l’appartement commence à être petit, mais j’ai du mal à le lâcher, concède-t-il. Parce qu’il représente tellement tout ce qu’on essaie de construire et tout ce qu’on déconstruit avec Lola depuis dix ans. Puis c’est là-bàs que j’ai monté mon propre label, que j’ai fait tout Chaton. »
En attendant de savoir si la petite famille quittera son nid douillet, Simon reste toujours aussi productif. Avant de fouler la scène de l’Olympia en février 2026, il jouera au Café de la danse (11e) le 15 mars. Et surprise : il reprendra la route fin avril pour une mini-tournée qui le verra jouer à Bruxelles, Villeurbanne, Marseille, Toulouse et Bordeaux. Reste à savoir s’il fera le déplacement à vélo avec Lola et les enfants dans le dos.
Photo : Thierry Nectoux