Chaque mois, une personnalité habitant ou ayant longtemps habité notre arrondissement raconte sa vie dans son quartier.
Allure juvénile, démarche souple, regard direct, Samuel Kircher arrive à notre rendez-vous improvisé, le 1er janvier, pour évoquer « son 18e ». Le jeune acteur, tout juste 20 ans, est connu pour son premier rôle dans le film L’Été dernier de Catherine Breillat, qui lui a valu d’être nommé au César de la meilleure révélation masculine l’an dernier. C’est un gars de Montmartre qui a fréquenté la crèche des Abbesses, l’école maternelle de la rue d’Orsel puis l’école primaire de la rue Houdon et enfin le collège Yvonne Le Tac. Un périmètre bien défini où il s’est fait des amitiés solides dès l’enfance.
De l’école Houdon au ballon rond
« Je me souviens d’une super directrice à l’école de la rue Houdon, où il y avait des enfants d’Haïti et de différents pays, c’était chouette.
Notre école était en ZEP, ce qui est une chance car il y avait des projets super, pas de cours le mardi et le jeudi après-midi, mais des activités périscolaires comme le foot, le roller, du graph, de l’écriture ou encore du théâtre. Mais il n’y a pas que l’école ! J’ai rencontré des amis aussi bien à la Manufacture des Abbesses qu’en jouant au football au square Burq, avant qu’il ne soit réaménagé. J’y jouais avec des amis collégiens qui organisaient des petits matchs de cinq contre cinq. Ce petit groupe a gagné la coupe Neymar il y a un an, avec en prime la venue de Neymar (le footballeur brésilien qui jouait au Paris Saint-Germain, NDLR). »
Doré et un peu trop ordonné
« Quand je suis arrivé à l’école de la rue Houdon c’était la fin des hôtels au mois, les gens venaient pendant une période de transition et pas mal de familles étaient en demande d’asile. Je vois que le quartier a bien changé et que ces hôtels sont devenus des établissements de luxe. Je peux dire que le 18e arrondissement où je suis né est devenu tout doré.
Alors oui, j’y suis attaché mais je le trouve un peu trop ordonné. Le désordre est agréable et j’aspire à un temps moins quadrillé. C’est peut-être l’effet du quartier Montmartre, j’ai l’impression que c’est plus chouette autour en allant vers Saint-Ouen ou vers l’est de Paris, où on a la sensation que ça bouge, que c’est vivant et qu’il n’y a pas que des touristes. Des quartiers qui, disons, n’ont pas la même couleur. »
Formation artistique
« Au collège, j’ai eu beaucoup de chance aussi parce que j’ai intégré la section danse contemporaine, où il y avait beaucoup de filles et deux gars, à raison de six heures par semaine, sans compter les compétitions et les rencontres avec des danseurs de toute la France. Il y avait des profs extraordinaires comme Ophélie Mathieu et Madame Tizi. Ça m’a beaucoup aidé, à cette période où le corps se rétracte, d’avoir plein d’activités entre les cours.
J’ai aussi suivi des cours à l’école Atla, à la fois en piano et en chant, et je me suis fait des amis de partout dans le 18e et même plus largement à Paris. Après les cours, on allait sur la place des Abbesses et la place Émile-Goudeau pour se retrouver entre jeunes. »
Une passion pour le son
« J’ai pu rentrer une fois dans le studio de Philippe Zdar qui avait fait renaître le studio d’enregistrement du 84 de la rue des Martyrs, avec un matériel de dingue. Il y avait une collection incroyable de machines vintages. J’étais totalement captivé par ce lieu mythique de la French touch. D’ailleurs, le son et surtout la musique me passionnent plus encore que la danse ou le jeu d’acteur. »
Les années lycée
« Ensuite je suis allé au lycée Condorcet avec d’autres élèves, venus de Marcadet et curieusement, ça a été dans ce lycée du 9e que j’ai eu une ouverture sur le 18e en entier, alors qu’avant j’avais un regard cloisonné.
On a la chance d’avoir un arrondissement avec une grande mixité, il faudrait juste que les gens apprennent à se connaître très jeunes. J’ai l’impression qu’ils restent entre eux, entre professions, entre classes mais il n’y a pas vraiment de gens ensemble. C’est compliqué !
Une des idées qui m’anime, c’est de travailler sur le rapport aux autres, pour trouver un bon ancrage, déjà pour soi, et pour entretenir un bon rapport au monde avec une place pour soi et pour les autres. »
Photo : Thierry Nectoux