Journal d’informations locales

Le 18e du mois

décembre 2014 / Histoire

1914 : quand la Compagnie générale des omnibus devient une manufacture d’armes

par Nadia Djabali

La guerre de 14 a bouleversé cette grande entreprise du 18e dont les bus de transport parisien sont partis sur le Front.

Ce qui te frapperait surtout si tu venais en permission, c’est le calme des rues de Montmartre […], écrit un écolier de Sainte-Isaure. (1) Je ne t’apprendrai rien en te disant que nos bruyants autobus ne sont plus là. Tu les as certainement vus sur le front, promus au grade de camions militaires et accomplissant bravement leur devoir ainsi que l’attestent ceux d’entre eux qui reviennent en réparation aux ateliers de la rue Championnet et qui portent nombre de trous de balles et d’obus… »
L’ordre de mobilisation générale de l’été 1914 a vidé les rues montmartroises de ses hommes et… de ses autobus. La Compagnie générale des omnibus (CGO), ancêtre de notre RATP, a participé à l’effort de guerre dans ses vastes ateliers du 18e arrondissement. Dès le 2 août 1914, 120 bus partent sur le front. Au total, 2 653 véhicules sont réquisitionnés pour le transport des troupes, des personnels et des blessés. Déjà, en 1870-71, lors du siège de Paris par les Prussiens, des omnibus hippomobiles de la CGO avaient servi de transport de blessés depuis les fortifications jusqu’à l’hôpital du Val-de-Grâce.
Pendant la Grande Guerre, outre le millier de bus se dirigeant vers la Belgique avec les troupes d’infanterie, 372 véhicules sont destinés à transporter de la viande. Les banquettes ont été dévissées, les vitres remplacées par des mailles métalliques et des crocs de boucher ont été installés. Sur leur carrosserie, les lettres RVF pour ravitaillement en viande fraîche.

Des bus à l’artillerie

La guerre désorganise l’ouvrage quotidien de la CGO, dont l’atelier central est installé 34 rue Championnet depuis 1882. Les hommes qui y travaillaient ont, pour la plupart, été mobilisés et les bus réquisitionnés. Les ateliers sont transformés en usine de fabrication de munitions d’artillerie et d’avions. Durant le conflit, l’atelier central assure également la maintenance des véhicules réquisitionnés.
La Grande Guerre est une période où les femmes mettent les mains dans le cambouis et remplacent massivement les hommes dans les ateliers. 25 % à 30 % des effectifs de la CGO sont alors des femmes qui, pendant quatre ans, fabriquent grenades, obus de 75 mm à 270 mm et bombes. Elles transportent des tonnes de métal par jour en manipulant quotidiennement au moins 2000 obus. On les surnomme les « munitionnettes » ou les « obusettes ». À l’atelier central, elles sont également mécaniciennes, tourneuses, soudeuses, rectifieuses, magasinières. Les infirmières de la pouponnière accueillent sur le site nourrissons et enfants de moins de deux ans.
La journaliste féministe et libertaire Marcelle Marquès a travaillé anonymement quelques mois dans une usine de guerre. Sous le nom de Marcelle Capy, elle publie son enquête dans le journal La Voix des femmes...(Lire la suite dans le numéro de décembre 2014)

1. La vie à Montmartre pendant la guerre, racontée et dessinée par les écoliers montmartrois de la rue Sainte-Isaure ; année scolaire 1914-1915. Cité dans L’Atelier Central Championnet, de la CGO à la RATP, l’aventure cachée des transports parisiens, Claude Vanderpooten, éditions R.A. Manufacture.


Photo : © Archives de la RATP

Dans le même numéro (décembre 2014)

  • Culture

    Courts métrages gratuits pour petits et grands

    Thomas Sillas
    Documentaires, fictions, films d’animation… Le jour le plus court, le festival de tous les courts métrages, a lieu du 19 au 21 décembre, à (...)
  • Clignancourt

    Ça crack rue Marcadet

    Bernadette Barrois
    Ils sont arrivés voici environ un an et, depuis, passent une grande partie de leurs journées… et de leurs nuits sur les trottoirs de la rue Marcadet (...)
  • Clignancourt

    ZEP : quatre écoles du 18e exclues [Article complet]

    Brigitte Batonnier
    Quatre écoles du 18e risquent d’être exclues du Réseaux d’éducation prioritaire (anciennement ZEP). Reportage dans l’une d’elles, l’école maternelle (...)
  • Les gens

    Roxane Decorte, le grand tournant

    Michel Cyprien
    À 17 ans, elle s’engage en politique au sein du RPR. Pendant 27 ans, elle va mener une politique de proximité sans failles jusqu’au jour où le (...)
  • La Chapelle

    Au secours du Bois-Dormoy

    En deux jours, plus de 200 personnes avaient déjà signé la pétition « Sauvez le Bois Dormoy » lancée le 20 novembre dernier par l’association du Bois (...)
  • Grandes Carrières

    Prolongement de la ligne 14 : encore cinq ans d’attente

    Marie-Odile Fargier
    Déception pour les 610 000 usagers de la ligne 13 du métro entassés quotidiennement dans les voitures les plus chargées du réseau. La prolongation de (...)
  • Goutte d’Or - Château Rouge

    L’Olympic café en vente sur leboncoin.fr

    Nadia Djabali
    À vendre bar restaurant avec salle de concert au sous-sol, 150 m2 au rez-de-chaussée et 350 m2 au sous-sol pour concert. Prix 450 000 €. La salle (...)
  • Simplon

    Collège Marie-Curie : ils chantent l’Europe

    Nadia Djabali
    Un choeur de cent élèves du collège Marie-Curie a interprété le 13 novembre l’hymne européen, l’Ode à la joie. Ce jour-là, le collège, qui compte une (...)
  • Porte Montmartre

    Des arbres fruitiers porte de Clignancourt

    Marie Berthomé
    « Vergers urbains » veut associer les riverains à la plantation d’arbres fruitiers au pied des immeubles. Plantons le décor. Derrière les sentiers (...)
  • La vie du 18e

    Le 18e vu par Patrick Modiano, prix Nobel de littérature

    Dominique Delpirou
    De souvenirs en rencontres inattendues, les romans du nouveau prix Nobel de littérature arpentent souvent notre arrondissement. Il est difficile (...)
  • Le dossier du mois

    Bons et pas chers dans le 18e, plein de restos à 10 € maxi

    Annie Katz, Catherine Soubelet, Danielle Fournier, Florianne Finet, Geneviève Stévenin, Guillaume Jan, Marie-Odile Fargier, Mary B. Adams, Nadia Djabali, Pierrick Yvon, Sylvie Chatelin, Thomas Sillas
    Pas nécessaire de dépenser des centaines d’euros dans un billet d’avion pour faire un tour du monde culinaire (presque) complet sans quitter le 18e. (...)

n° 331

novembre 2024