Les années de guerre ont exacerbé l’antisémitisme et les contradictions de l’écrivain.
Peu après la déclaration de guerre, Céline qui, par lassitude, avait quitté Montmartre quelques mois plus tôt pour vivre chez sa mère, près du passage Choiseul, ouvre un cabinet médical à Saint-Germain-en-Laye et s’installe dans une petite maison en location. C’est un échec cuisant. Malgré tous les efforts de sa compagne pour le faire connaître, le docteur Louis Destouches ne parvient pas à se constituer une patientèle. Il écrit à son ami Gen Paul : « J’ai déjà au moins tenté vingt trucs depuis septembre. J’en ai eu des marrants et des sinistres. C’est le sauve-qui-peut. Paris a l’air de rebourner un peu. Ils ont moins la chiasse — et du permissionnaire dans l’air. Tout doucement le mercanti reprend du poil, alors ça va sans doute aller mieux. Quand le fumier déborde on recommence à croquer un peu. Le moral est bon. »
Pourtant, l’expérience suivante n’est pas plus heureuse. Engagé comme médecin maritime sur le Chella, un bateau qui assure la ligne vers le Maroc, il est contraint de regagner la France après un éperonnage du navire avec un aviso britannique devant Gibraltar. D’abord, médecin au dispensaire de Sartrouville, il participe, de façon rocambolesque, à l’exode en accompagnant jusqu’à La Rochelle l’ambulance du dispensaire. À son retour, il prend la place d’un docteur haïtien (empêché d’exercer par la loi du 16 août 1940 interdisant l’exercice de la médecine aux praticiens étrangers) au dispensaire de Bezons.
La haine des juifs
Chez sa mère il achève son nouveau pamphlet, Les Beaux Draps, qui commence par ces mots : « Plus de juifs que jamais dans les rues, Plus de juifs que jamais dans la presse, Plus de juifs que jamais aux Français, dans l’industrie, dans les banques, la France plus que jamais livrée aux maçons et aux juifs plus insolents que jamais. » Le livre, furieusement antisémite, propose, et c’est là tout le paradoxe de l’écrivain, une réforme de l’éducation qui donnerait toute sa place à l’imaginaire, à la poésie et à l’éveil ; la nationalisation des banques, des mines ; la réduction du temps de travail (3 h au maximum…).
Céline regagne la Butte, dont il avait la nostalgie, en février 1941. Il s’installe au 4 rue Girardon, à l’angle de la rue Norvins, face au moulin de la Galette, dans un appartement que lui a trouvé Gen Paul... (Lire la suite dans le numéro de mai 2016)
Illustration : Louis-Ferdinand Céline, dessiné en 1961 par notre ami Henri Landier.
Dans le même numéro (mai 2016)
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