Des idées, mais peut mieux faire… Les associations concernées par le projet
de végétalisation espèrent qu’à l’avenir il y aura un peu plus de concertation.
« Quel vilain mot », regrette Antoine Lagneau, membre de l’association Quartiers en transition. Pas de doute, le terme « verdissement » employé par la municipalité passe mal au sein des structures actives dans l’écologie urbaine et l’environnement. Pire, ces dernières s’inquiètent que cela se résume en une énième opération de communication ou de greenwashing (1) concoctée par des politiques peu au fait des grands enjeux environnementaux. « Il y a certainement mieux à imaginer que de nous faire photographier 200 points, assène Antoine Lagneau. Et d’ailleurs pourquoi 200 points ? On ne sait même pas d’où sort ce chiffre ».
Démarche participative ?
Le 10 juillet, au cours de la réunion de présentation du programme de végétalisation des espaces publics, nombreux sont ceux qui ont eu le sentiment que l’expertise était plus du côté de la salle que dans la tribune. L’approche de la municipalité ? Basique pour l’auditoire. Vous avez un coin « délaissé » en bas de chez vous, vous le prenez en photo avec votre smartphone et vous l’envoyez via l’application. Voilà pour la démarche innovante. Mais rien de bien mobilisateur pour les habitants. Tel qu’il a été présenté, le dispositif a plus été perçu comme voulant régler le problème des épanchements d’urine, des encombrants et des SDF qui traînent sur l’espace public. Et ce n’est pas l’architecture du site Paris.fr qui contredira ce sentiment : la rubrique DansMaRue accueillant les propositions de végétalisation permet également de signaler les encombrants, tags et lampadaires en mauvais état. Ça fait désordre.
Pour de nombreuses associations œuvrant dans l’écologie urbaine, la gouvernance et la participation citoyenne se situent au cœur même de leurs actions. Et s’il leur est difficile de mettre immédiatement en doute le bien-fondé du programme, elles restent circonspectes face à un projet qui tombe du ciel. « Ce que personne ne comprend dans ce projet-là, tempête Antoine Lagneau, c’est pourquoi afficher cette volonté de végétalisation participative alors que de nombreux jardins partagés, où la participation des habitants est mise en œuvre depuis plusieurs années, vont tout simplement disparaître. »
S’agit-il donc de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? À la mairie du 18e, on assure pourtant que cette opération vient s’ajouter à l’existant.
« La lettre de cadrage émanant du cabinet d’Anne Hidalgo a la vertu de clarifier les orientations de la mandature en termes d’espaces verts, commente Laurence Baudelet, coordinatrice de l’association Graine de Jardins. Mais, tempère-t-elle, le secteur associatif n’a pas été associé à l’élaboration de ces orientations. On ne s’est pas posé autour d’une table pour un diagnostic partagé définissant les priorités dans les six ans à venir en termes d’espaces verts au sens large du terme ». Or ce type de dispositif serait bien plus intéressant s’il était co-construit à l’instar des concertations larges menées dans la plupart des grandes villes développant des programmes de végétalisation citoyenne en lien avec la biodiversité et l’adaptation au changement climatique.
Il suffirait de deux ou trois réunions préparatoires, et un programme lancé en novembre plutôt qu’en septembre. Le temps de la réflexion pour faire aboutir des projets qui s’intègrent dans les programmes de végétalisation déjà en cours. « Les élus peuvent s’appuyer sur notre connaissance fine des habitants jardiniers, poursuit Laurence Baudelet, parce que nous travaillons tous les jours avec eux et nous savons par exemple que ce n’est pas un public très accro aux nouvelles technologies de la communication. »
Critique constructive
Comme le calendrier des cultures n’est pas soluble dans le calendrier politique, rien ne sortira de terre avant le printemps prochain. Tout n’est donc pas perdu pour mener une réflexion sérieuse. Et pour aborder le grand absent du PowerPoint projeté en juillet à la mairie : la proposition végétale. « La végétalisation de la ville, ça se réfléchit de manière cohérente, rappelle Laurence Baudelet, ce n’est pas la même chose de mettre de la salade, des plantes ornementales ou de la vigne. » Qu’est-ce qu’on veut planter, pour y faire quoi et pour qui ?
À Graine de Jardins, on aimerait que la réflexion des habitants soit soutenue par des éléments leur indiquant ce qu’il est possible de faire, ce qui peut pousser ou non. Réfléchir en termes d’usage et de qualité de l’espace public, sachant que le végétal intervient dans la qualité de l’espace public mais qu’il ne suffit pas.
1. Procédé de communication utilisé dans le but de se donner une image écologique responsable.
Illustration : © Séverine Bourguignon
Dans le même numéro (septembre 2014)
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