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septembre 2018 / La Chapelle

Du pain bio pour petits budgets [Article complet]

par Florianne Finet

Une nouvelle coopérative veut démocratiser l’accès aux produits bio.

Ouvrir une boutique 100 % bio à quelques pas de la porte de La Chapelle, dans un des quartiers les plus pauvres de Paris. Quelle drôle d’idée, pourrait-on penser au premier abord en poussant la porte du Pain de la liberté. En réalité, le lieu de 300 m2 n’a pas été choisi par hasard par les trois fondatrices de la coopérative, Aurélie, Katie et Sabrina, qui sont arrivées là fin juin. « Notre conviction, c’est que le bio ne doit pas être réservé aux plus riches. C’est pour cela que nous avons décidé de nous installer ici en proposant des prix très accessibles. Pour y parvenir, nous avons réduit nos marges au maximum », souligne Katie, la gérante et chocolatière. Sur ce point, le pari est tenu. 1 € la baguette, 1,20 € le croissant, 2,50 € les glaces italiennes. Qui dit mieux ? Des prix proches de ceux des boulangeries du quartier — les pesticides et additifs en moins — et bien inférieurs à ceux des magasins spécialisés bio. « Comme nous refusons d’utiliser des produits industriels et que nous limitons au maximum le glucose, les gâteaux sont parfois moins brillants et moins parfaits que ceux de nos confrères », explique Aurélie, la boulangère en chef, titulaire d’un CAP en boulangerie après s’être formée à l’école Ferrandi, une référence dans le secteur.

Qualité et approvisionnement local

On trouve aussi de très bons pains spéciaux (seigle, quinoa, maïs, châtaigne…), dont les prix se rapprochent de ceux pratiqués dans les magasins bio. Un coin restauration permet aux clients de faire une pause café ou de manger sur place en profitant de la belle lumière offerte par les baies vitrées de la boutique. Une terrasse devrait être installée d’ici octobre, une fois les travaux de la voirie terminés. Pour une cohérence complète, les livraisons se font en voiture électrique et les circuits courts sont privilégiés au maximum. Les farines de blé et de maïs viennent d’Ile-de-France, le beurre et le sarrasin de Bretagne.

Les habitants du quartier semblent y trouver leur compte, au vu des clients croisés en ce samedi de vacances et des commandes de gâteaux d’anniversaire déjà enregistrées. « Nous avons choisi de ne pas mettre en avant le caractère bio de la boulangerie. Le label AB, ça fait peur aux gens car ils croient souvent que ça va être trop cher et que ce n’est pas fait pour eux », précise Katie.

Dans les prochains mois, la coopérative devrait aussi proposer des produits sans lactose, sans gluten et vegan dans un espace dédié. Pas grand-chose à voir avec la mode du sans-gluten mais le souhait de répondre à un vrai besoin, Aurélie étant intolérante au gluten depuis plusieurs années. « Nous proposions déjà ce type de produit aux Amap et à des groupements d’achat dans l’atelier de Montreuil où nous étions installées auparavant, ainsi qu’au salon Marjolaine à Vincennes. »

Un volet social en perspective

Deux salariés, une pâtissière et un aide-boulanger, ont été embauchés à l’ouverture, en CDI et à temps plein. Une exception à l’heure actuelle. Au-delà de la démarche écologique, le projet comporte une réelle dimension sociale. La boulangerie devrait recruter en 2019 de nouveaux salariés, notamment en insertion, si le niveau d’activité le permet.

Nos trois entrepreneuses ayant clairement une démarche militante, la recherche du profit n’est pas leur objectif. Toutefois, atteindre l’équilibre économique est encore loin d’être gagné tant le projet est ambitieux. Déjà, convaincre les banques et les bailleurs qu’un projet de boulangerie porté par trois femmes était possible n’a pas été une mince affaire. Pour s’en sortir, elles comptent sur le développement des ventes en direction des professionnels (cantines, crèches, Amap, supermarchés bio…). « Pour l’instant, nous tournons à sous-régime. Nous avons besoin de nouveaux clients. Nous avons sollicité la mairie du 18e pour fournir le pain aux écoliers mais on nous a répondu que ce n’était pas possible pour le moment », regrettent-elles. Avis aux collectivités intéressées !

Photo : Jean-Claude N’Diaye

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