Si la cohabitation avec les établissements de restauration rapide est parfois difficile, notre arrondissement fait-il réellement face à une augmentation des fast-foods ? Si oui, qu’est-il possible de faire pour la ralentir ?
Kebab, hamburger, pizza, panini, poulet, tacos… Sur le boulevard de Clichy, difficile d’échapper à ces enseignes lumineuses qui harcèlent vos rétines plus qu’elles ne draguent vos papilles. Ouvert depuis avril 2024, le KFC est l’un des plus fréquentés, mais aussi l’un des plus décriés. En effet, les habitants de l’immeuble qui se sont battus pour que son implantation n’ait pas lieu, dénoncent désormais des nuisances sonores et olfactives liées à la cohabitation avec le roi du poulet frit. Dans le 18e, ils ne sont pas les seuls à faire la guerre aux fast-foods. C’est aussi le cas à la porte de Clignancourt, où deux enseignes américaines sont entourées par une myriade de kebabs. « En 2022, les huiles de friture du KFC se répandaient sur le trottoir, explique une membre du Collectif des habitants de la porte de Clignancourt. J’avais fait des rapports sur l’application DansMaRue, avant que ce soit signalé par quelqu’un du commissariat. Ç’a été réglé mais ça n’a fondamentalement rien changé au problème des fast-foods dans le quartier. »
Ironie de l’histoire, l’an dernier, les habitants ont vu débarquer un food-truck (camion-restaurant) place des Tirailleurs sénégalais. Inutile de dire qu’il n’a pas fait long feu face à l’offre de restauration rapide déjà existante et... aux vendeurs de cigarettes à la sauvette.
Un baroud döner
Réalisé en avril 2023 par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), le recensement des commerces parisiens confirme une « hausse de la restauration et en particulier de la restauration rapide ». En 2000, quelque 2 106 locaux étaient occupés par cette dernière contre 4 027 en 2023. Résultat, à Paris, un tiers des restaurants recensés sont des fast-foods. Dans le 18e, cette part se situe au-delà de 40 % dans trois quartiers : porte Montmartre-porte de Clignancourt, Goutte d’Or et Charles Hermite-Évangile (voir carte ci-contre).
Sur les 4 745 commerces répertoriés, l’Apur dénombre 897 restaurants, dont 241 établissements de restauration rapide. Ces derniers, qui servent en continu une nourriture pouvant être consommée sur place ou emportée, se distinguent des brasseries et des restaurants traditionnels où le service se fait à table, en général à des horaires fixes. Parmi les 241 fast-food recensés, dont une quinzaine ont fermé depuis, nous avons comptabilisé près de 40 kebabs, 25 fast-foods vendant surtout du poulet, 16 proposant des pizzas ou des plats italiens, 15 des burgers, une vingtaine des plats issus de la cuisine d’Afrique du Nord, tandis que plus d’une trentaine proposent un peu de tout (kebabs, pizzas, burgers, tacos, panini, etc.).
Enfin, certains sont en réalité plutôt des cantines, des traiteurs, des bars à tapas ou tout simplement de vrais restaurants au sens propre du terme : ce qui pose peut-être la question de la redéfinition d’un établissement de restauration rapide.
Une Mairie impuissante
Si elle a participé à empêcher l’implantation d’un McDo aux Abbesses il y a quelques années et qu’elle a encore rencontré récemment les locataires du 16 boulevard de Clichy à propos des nuisances du KFC, la Mairie du 18e a un pouvoir d’action restreint sur l’augmentation du nombre des fast-foods. « Avec le sacro-saint droit à la propriété privée qui est un principe constitutionnel, les Mairies n’ont pas leur mot à dire sur des implantations commerciales dans des locaux privés, explique Jean-Philippe Daviaud, délégué auprès du maire chargé du commerce, de l’artisanat et de l’Europe. Quand il y a des travaux importants, on peut jouer sur les permis de construire et faire du zèle pour essayer de les dissuader au maximum, mais c’est un peu à la marge. »
Difficile aussi d’envisager une modification des horaires de fermeture de ces établissements, lesquels étant réglementés par la préfecture de police de Paris. Reste alors la possibilité d’exclure du règlement de copropriété l’activité de restauration. Mais là encore, même si cette solution est en théorie très efficace, dans la pratique cela est compliqué.
Bien manger dans nos quartiers
Toutefois, la Mairie a du pouvoir sur les locaux dont elle est propriétaire. En 2017, a été créée la structure GIE Paris Commerces, censée être une porte d’entrée unique pour l’attribution des locaux commerciaux des trois grands bailleurs sociaux de la ville de Paris. « Dans le 18e, on en a un certain nombre car on a des zones où il y a pas mal d’habitats sociaux et donc beaucoup de pieds d’immeubles, indique l’élu chargé du commerce. C’est un outil intéressant car toutes les attributions de ces locaux sont faites avec notre aval. » Cet outil pourrait être utile pour les nouveaux quartiers du 18e comme Chapelle Charbon, Chapelle International, Hébert, sans oublier Charles Hermite, en pleine transformation. « Tout le monde a bien compris que l’activité commerciale était au centre de l’animation et de la vie de quartier et qu’il y a une attente forte de la part des habitants. Dans ces quartiers, on discute déjà avec les constructeurs. »
Enfin, une dernière solution existe : continuer à soutenir les nouveaux projets de « bien manger » qui fleurissent depuis des années un peu partout sur notre territoire. On pense notamment au nouveau restaurant solidaire d’Activ’18 (voir notre numéro 333) ou au futur CiNey de la Sierra Prod qui hébergera des cuisines partagées.
Photo : Maxime Renaudet