Il arrive que des livres parlent avec la bouche, qu’ils fassent des gestes ou regardent leur lecteur avec les yeux. Retour sur une expérience récente énigmatique.
Ce dimanche 9 décembre, on arrive au Bar commun, où se tient ce jour-là, entre 16 et 18 heures, une bibliothèque vivante. Jamais jusqu’à ces derniers jours, on n’avait entendu dire qu’il pût exister des bibliothèques vivantes, sauf peut-être à travers la fréquentation de l’œuvre et de la pensée de l’immense Amadou Hampâté Bâ, lequel avait coutume d’associer la mort d’un vieillard en Afrique à l’incendie d’une bibliothèque.
Alors c’est quoi une bibliothèque vivante ? Une bibliothèque symbolique faite de livres vivants, c’est-à- dire d’êtres humains en chair et en os. Soit le rassemblement pour quelques heures de quelques personnes ayant répondu à l’invitation d’une association spécialisée ou d’une bibliothèque traditionnelle et présentes en un lieu et pour un temps donnés, gratuitement et au titre d’une expérience de vie singulière. Une expérience non pas exhibée, non pas exemplifiée, mais assez significative d’une problématique humaine spécifique pour donner matière à un échange en face à face avec des gens de passage. On dit alors de ces personnes d’expérience qu’elles sont des livres vivants, des livres qui se prêtent et s’empruntent sur place. Au Bar commun ce dimanche, la bibliothèque vivante est organisée par une association encore relativement nouvelle, installée depuis peu dans le 18e et appelée tout simplement Bibliothèque vivante.
En tant que livres, sont là cet après- midi un sans-abri qui est en train de s’en sortir, un jeune réfugié venu d’Afghanistan, maîtrisant très honorablement la langue française, une jeune femme handicapée et une femme ordinaire, comme elle se qualifie elle- même en riant, « juste une femme », ajoute-t-elle, « exposée comme telle aux discriminations ».
Les voilà donc, nos quatre livres du jour, tous assis, chacun à une table, seul ou en vis-à-vis d’un emprunteur, chacun reconnaissable à son T-shirt blanc porté à même la chemise ou le pull et sur lequel sont écrits les mots, bibliothèque vivante. Deux femmes de l’association, Natacha Waksman et Jeanne Vaillant, gèrent les demandes d’un public intrigué, le conseillent, l’orientent, veillent au respect de la durée des emprunts... (Lire la suite dans le numéro de janvier 2019)
Illustration : Séverine Bourguignon
Dans le même numéro (Janvier 2019)
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