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janvier 2024 / Le dossier du mois

Logement, sans abris, transports : l’envers du décors des JOP

par Maxime Renaudet

Mi-décembre, le collectif Le revers de la médaille était réuni au Sacré-Cœur pour alerter sur le nettoyage social en vue des Jeux olympiques et paralympiques. Une opération coup de poing qui a eu le mérite de faire bouger quelques lignes.

Alors qu’un touriste termine son verre de vin blanc face à Paris, et qu’un lève-tôt fait son jogging matinal, cinq grandes banderoles blanches sont déroulées sur les marches du Sacré-Cœur. On peut y lire : « Sans-abrisme », « Campements », « Bidonvilles », « Squats » et « Solidarité ». Cinq mots presque aussitôt recouverts et invisibilisés par de la peinture aux couleurs des anneaux olympiques. « Cette nuit il fera 3 degrés alors qu’il y a 18 000 logements vides que la préfecture pourrait réquisitionner, tance Paul Alauzy, positionné en bas des marches du parvis alors que l’opération Pissarro va bientôt se terminer. Il y aura des centaines d’enfants dans les rues de Paris et Saint-Denis, des nourrissons sortis de maternité qui se retrouveront sur le trottoir, des dizaines de milliers de personnes qui survivent dans des campements de misère, des squats et des bidonvilles. »

Coordinateur chez Médecins du monde et porte-parole du collectif, Paul Alauzy est là ce vendredi 15 décembre pour alerter sur le sans-abrisme, et surtout sur le nettoyage social en cours en vue des JOP 2024, qui se tiendront du 26 juillet au 8 septembre, avec une coupure du 12 au 27 août. « Qu’est-ce qui va arriver à tous ces gens dans les semaines qui viennent, mais surtout dans six mois quand, à cet endroit-là, il y aura la flamme olympique et toutes les caméras du monde qui ne s’intéresseront qu’au sport et à la grandeur de la France ? »

La coupe est pleine

Le collectif Le revers de la médaille avait déjà frappé fin octobre devant le bâtiment du Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo), à Saint-Denis, sur lequel un message avait été projeté. Une action qui faisait suite à une lettre ouverte signée par 75 associations, qui se sont toutes regroupées derrière ce collectif, qui vise à alerter sur les revers de l’organisation des JOP 2024, dont le déplacement des personnes sans toit. « On veut que la société se mobilise et que l’Etat se mobilise, car les efforts du gouvernement ne sont pas du tout suffisants », insiste Paul Alauzy, qui réclame que des solutions d’hébergement soient trouvées.

À la place, depuis début 2023, ce sont les démantèlements de campements qui ont commencé à Paris et en Seine-Saint-Denis où 3 329 personnes ont déjà été transférées en province. Loin, très loin des acteurs sociaux qui les accompagnent depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois et à qui la préfecture de Paris a souhaité mettre des bâtons dans les roues début octobre, quand elle a interdit les distributions alimentaires, avant que cette décision ne soit retoquée par le tribunal administratif. Une technique d’exfiltration qui s’accompagne, selon le collectif, d’un phénomène de harcèlement auprès de certaines populations.

Dans ce contexte où l’étranger et les sans-abris sont devenus un ennemi public, impossible non plus de ne pas penser au projet de loi immigration du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, adopté largement le 19 décembre dernier. Difficile aussi d’oublier que le gouvernement refuse toujours d’ouvrir 10 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires, alors que le 115 est saturé et que 3000 places d’hôtels sociaux vont être réquisitionnées afin que les hôteliers logent les touristes pendant les JOP.

Des sas à la sauce Darmanin

Pire, dans le cadre des olympiades parisiennes, le gouvernement souhaite créer des sas d’accueil temporaire régionaux, réclamés par Darmanin et l’ex-ministre du Logement, Olivier Klein, dans une circulaire adressée aux préfets le 13 mars 2023. Des sas censés accueillir pour trois semaines (maximum) plusieurs centaines de migrants et demandeurs d’asile pour faire place nette ? C’est en tout cas ce que dénonçait Le revers de la médaille le 15 décembre. L’idée finale du collectif n’était pas de remettre en question l’utilité sociale des JOP, mais bien de faire bouger les pratiques préfectorales et ministérielles et demander un plan d’urgence pour éviter ce nettoyage social. Un terme que rejettent le ministère du Logement et la préfecture, qui se sont dédouanés après l’opération coup de poing du collectif. « Leur seul argument c’est de dire qu’il y a 120 000 personnes qui sont logées chaque soir en Île-de-France au titre de l’hébergement d’urgence, rapporte Paul Alauzy, avant de s’exaspérer. Ce n’est évidemment pas satisfaisant, puisque c’est le même argument qu’on nous apporte depuis 2015 sur le sort des exilés. Rappelons que la Fédération des acteurs de la solidarité attaque l’Etat en justice sur les nouveaux critères de vulnérabilité du 115. »

À défaut d’avoir été entendu par l’Etat, Le revers de la médaille a eu une première rencontre fin octobre avec le Cojo, qui semblait découvrir cette problématique. « Ils nous ont expliqué qu’ils n’avaient pas la main sur tous les sujets, mais qu’ils se sentaient concernés, qu’ils étaient prêts à faire suivre toutes nos demandes et à nous obtenir des rendez-vous avec le ministère des Solidarités, le ministère de l’Intérieur et la DIJOP », confie Paul Alauzy. À l’issue de cette rencontre, plusieurs engagements ont été pris, comme celui de se revoir mi-janvier pour travailler sur une mesure phare. « Il y a de la volonté et du budget, constate le porte-parole du collectif. Donc on va essayer de pousser plein de choses, notamment être mis en relation avec l’organisation du trajet de la flamme olympique pour qu’on puisse leur indiquer tous les lieux qui pourraient être affectés par son passage. ». Autre engagement de la part du Cojo, celui-ci plus étonnant : mettre le collectif en relation avec d’anciens athlètes, afin de les aider lors de leurs campagnes de plaidoyer. « On va attendre le second rendez-vous et on va voir ce qui va en advenir », conclut Paul Alauzy.

D’ici là, les actions du collectif Le revers de la médaille ne devraient pas s’arrêter. Bien au contraire.

Photo : Ophelie Loubat

Dans le même numéro (janvier 2024)

n° 230

octobre 2024