Cela fonctionne grâce au travail de bénévoles et aux dons de gens du quartier.
Ils arrivent par groupe de deux ou trois, soit seuls, et s’installent autour des tables. Cette fois-ci, ça se passe dans le local de l’association pour le dialogue et l’orientation scolaire (ADOS), rue Polonceau, qui a bien voulu prêter ses murs. L’association La Table ouverte a lancé les invitations et organise un repas solidaire. Au menu, salade de poivrons et d’aubergines cuits, pâtes en sauce et poulet.
Ces repas sont organisés depuis la création de l’association en 2009. Mais Rachid Arar, animateur de La Table ouverte, distribue des repas depuis quinze ans. Son engagement lui est tombé dessus un soir, en sortant de Lariboisière où son père était hospitalisé. « J’ai vu des gens assis là sous le métro et je me suis dit qu’on n’avait pas le droit de fermer les yeux. J’ai rejoint des associations qui distribuaient des repas », se souvient-il.
80 à 150 repas par mois
But principal : que les gens mangent un vrai repas, confortablement assis. Il y a ensuite le désir de créer du lien. Tous les convives sont en situation précaire. Ces repas leur permettent de se laisser aller librement à un échange d’informations ou de tuyaux pour trouver un lieu où dormir la nuit suivante. Parce que la précarité crée l’isolement et l’isolement crée la déchéance. Il s’agit aussi de les aider à retrouver un peu de dignité.
La plupart des bénéficiaires de ces repas viennent du quartier de la Goutte d’Or et alentour. Parmi les convives, il y a ceux qui vivent dans les hôtels meublés, des jeunes qui n’arrivent pas à trouver du travail. « Il y a ceux qui sont retraités et qui arrivent à 80 ans avec une retraite de 700 euros. Et quand ils paient un loyer de 500 €, ils se retrouvent avec un minimum pour manger », regrette Rachid Arar. Environ 80 à 150 repas sont ainsi offerts par mois. Au-delà, c’est au-dessus des moyens de l’association qui n’est pas équipée pour.
La solidarité du quartier
L’association n’a pas de locaux, les repas sont donc préparés chez les bénévoles qui habitent tous la Goutte d’Or. « On est devenus une équipe, sourit Rachid. Nous préparons les repas chez ceux qui ont de grandes cuisines. Certains bénévoles récoltent de l’argent et m’appellent quand ils en ont récupéré suffisamment. Dès que les sous sont prêts, on met en place la distribution en une semaine. »
La patronne du bar restaurant La Môme, à l’angle des rues Stephenson et Jean-François Lépine, qui depuis est devenue présidente de l’association, a décidé de faire appel aux compétences de la Table Ouverte pour distribuer des repas. Elle a mis à disposition son établissement, donné des fonds personnels et lancé les premiers repas à sa charge de façon à mettre de l’huile dans les rouages. Il y a des commerçants qui offrent une partie des légumes ou de la viande. D’autres font des tarifs très préférentiels. Le plus difficile est de trouver des familles disponibles pour préparer le repas. « Ce qu’on cuisine, ce n’est pas de la gastronomie, conclut Rachid Arar, c’est juste un plat chaleureux à partager avec les autres. »
Photo : DR
Article initialement paru en juin 2011