Condamnée depuis des années par un projet de construction, cette petite forêt sauvage en pleine ville va devoir rendre les clés à la veille de l’été, malgré la résistance des habitants.
Les dès sont jetés et le Bois Dormoy condamné. Dès le 9 juin, si rien n’est fait, les travaux pourront commencer et les bulldozers entrer en action. Et ceci malgré une pétition en ligne adressée à la maire de Paris Anne Hidalgo, deux voeux déposés par l’UMP (aujourd’hui LR), le Front de gauche et les Verts mais rejetés par la majorité du conseil d’arrondissement, puis du Conseil de Paris ; ils demandaient que le PLU (plan local d’urbanisme) soit modifié pour changer l’utilisation du terrain. Paradoxe : cette fermeture survient à quelques jours de l’atelier-forum de restitution du plan biodiversité 2011-2016 (le 26 mai dernier) et alors que le nouveau plan de la Ville de Paris est en cours d’élaboration.
Et le climat dans tout ça ?
Mais à l’image d’un certain petit village gaulois, l’association du Bois Dormoy résiste encore et toujours. Son dernier recours ? Déposer un référé avant le début des travaux. Ceci aurait un effet suspensif dans l’attente du jugement du tribunal administratif sur la requête en annulation déposée en 2015. De son côté la municipalité s’est engagée depuis des années à construire sur cet emplacement un EHPAD (un établissement pour personnes âgées dépendantes) et une crèche. Qu’on ne se méprenne pas ! Aucun des adhérents de l’association Le Bois Dormoy ne conteste le besoin d’un établissement dédié aux personnes âgées et d’une crèche, mais il existe d’autres lieux possibles dans le 18e arrondissement. Faut-il pour cela sacrifier cette mini-forêt urbaine, havre de paix et poumon vert pour un quartier enclavé entre une rue Marx Dormoy, véritable autoroute urbaine génératrice de forte pollution atmosphérique, et les bruyantes voies ferrées de la gare du Nord ? Au moment où Anne Hidalgo est candidate à la présidence de C40 Cities, réseau des plus grandes villes mondiales mobilisées autour de l’enjeu du climat, n’est-il pas contradictoire de laisser détruire un espace vert arboré livré « clés en main » par la nature en plein coeur de Paris ? On connait le rôle des arbres dans la régulation de la chaleur et du climat. Et ce ne sont pas les quelques jardinières et deux ou trois arbres prévus dans le projet architectural présenté par la mairie qui remplaceront avantageusement les ailantes, arbres à papillons et autre saules qui se sont installés spontanément sur cette friche il y a plus de quinze ans. Ils y ont constitué une petite forêt dense, inhabituelle à Paris. Les habitants du quartier ne s’y sont pas trompés qui viennent ici chercher un peu de fraîcheur en été lorsque la chaleur est insupportable dans un environnement intensément construit et minéralisé. Les mamies y papotent à l’ombre, les mamans et les enfants viennent y goûter après l’école, une famille biélorusse voisine y fête la Pâque orthodoxe, un vieux monsieur ramasse du bois mort pour le donner à sa voisine pour sa cheminée.
Irremplaçable
On sait maintenant – de nombreuses sources scientifiques le démontrent – qu’il existe un lien direct entre la santé physique et mentale des habitants d’une ville ou d’un quartier et la qualité des espaces verts dont ils disposent. Et plus un jardin est riche en biodiversité, plus il a des effets psychologiques bénéfiques pour ses usagers. Le Bois Dormoy joue ce rôle et s’inscrit dans la politique de développement durable prônée par la Ville de Paris, au croisement de l’environnement et du social. Il mérite d’être sauvé au nom de la biodiversité et du bien-être de tout un quartier. Mais cela nécessite que les élus fassent preuve d’imagination et de bonne volonté .
Photo : © Sylvie Chatelin
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