Arrivée de sa Normandie natale dans le 18e, Marie Hecquet n’a jamais pu épouser celui qui fut son compagnon pendant 27 ans, né esclave et toujours sans-papiers. Elle défendra jusqu’au bout sa mémoire.
Je vous demande de m’enterrer sous le nom de Veuve Chocolat ! Telles furent les dernières volontés de Marie Hecquet avant son décès, le 7 février 1925, dans son logement situé dans le quartier de Pigalle, au tout début d’une jolie impasse pavée, la cité du Midi, au numéro 4. Toutefois, un employé de l’état-civil de la mairie du 18e arrondissement rayera sur son acte de décès la mention « Veuve Chocolat » pour la remplacer par celle de « Divorcée Grimaldi ». En effet, Chocolat n’est pas son nom d’épouse mais le nom de scène d’un artiste dont elle a été la compagne pendant 27 ans et qui a formé l’un des plus célèbres duos de clowns de la Belle-Époque, avec l’Anglais George Foottit. De plus, elle n’a jamais pu se marier officiellement avec son compagnon. Qui était-elle ? Et, quelle a été sa vie, avec ce clown noir d’origine cubaine, grande vedette du cirque parisien de la fin du XIXe siècle dont le film de Roschdy Zem avec Omar Sy a récemment raconté l’histoire ?
Fille et épouse de douanier
Marie Hecquet est née le 13 juin 1870, à Dieppe, en Normandie mais dans une famille d’origine picarde qui compte cinq enfants. Son père Pierre, est brigadier des douanes et sa mère, Angéline, s’occupe du foyer. Avant l’avènement de la IIIe République, en 1870, les jeunes filles, considérées comme inférieures, n’ont pas accès à l’enseignement scolaire. Bénéficiant des avancées sociales, Marie a pu poursuivre une scolarité jusqu’au certificat d’études primaires. En 1885, son père décède. Pour aider sa famille, Marie, mineure mais déjà dotée d’un sé aux douanes, âgé de trente-deux ans, né en Corse, Enrico Grimaldi. Néanmoins pour pouvoir se marier et bien qu’elle soit issue d’une famille de douaniers, elle doit obtenir, après enquête, un certificat de bonne vie et de bonnes moeurs et Grimaldi doit demander l’autorisation de se marier à son supérieur hiérarchique. Le 14 février 1887, le mariage a lieu à Dieppe et tous les témoins sont des agents des Douanes. En mai 1889, Grimaldi est muté à Paris et s’installe avec Marie boulevard de la Chapelle, ce qui permettra de plus, à cette dernière de se rapprocher de plusieurs de ses frères et soeurs installés dans le 18e arrondissement, devenu le deuxième fief de la famille Hecquet après la Picardie.
Né esclave à cuba
En 1886, lorsque le clown Chocolat arrive à Paris, c’est la Belle-Époque, une période marquée par les progrès sociaux, économiques, technologiques et politiques mais aussi par le développement de l’industrie des loisirs. De nombreux espaces de convivialité s’ouvrent, notamment des foires, des fêtes foraines, des cabarets et des cirques. À Paris intra-muros, il y a alors cinq cirques : le cirque d’Hiver, d’Été, Fernando, l’Hippodrome de l’Alma et le Nouveau Cirque. Ces établissements se disputent non seulement les troupes équestres et les compagnies d’acrobates mais aussi les clowns. Étymologiquement, le terme anglais de clown signifie rustre, farceur Son rôle est originellement d’assurer avec humour les transitions entre deux numéros violents ou dangereux puis il devient, peu à peu, un personnage comique, à part entière, de l’univers circassien avec ses propres numéros appelés des entrées. Clown, Chocolat, lui, l’est devenu par hasard. Sa date de naissance exacte n’est pas connue car, né esclave à La Havane sur l’île de Cuba, alors colonie espagnole, il n’a pas été enregistré par l’état civil. On suppose cependant qu’il est né en tre 1865 et 1868. Son prénom de naissance est Rafael. Ses parents étant en fuite, il est élevé par une autre esclave. Il est ensuite acheté par un riche marchand de riz et de céréales qui possède un comptoir à Bilbao, en Espagne. Il devient son serviteur.... (Lire la suite dans le numéro de juin 2016)
Illustration : © Séverine Bourguignon
Dans le même numéro (juin 2016)
-
Evénement
Le 18e du mois fête l’arrivée de l’été
le 18e du moisLe 18e du mois vous invite à fêter l’arrivée de l’été dans les nouveaux jardins d’ECObox Samedi 18 juin de 16h à 22h 7, impasse de la Chapelle 75018 (...) -
La Chapelle
Le bois Dormoy ferme le 8 juin [Article complet]
Sylvie ChatelinCondamnée depuis des années par un projet de construction, cette petite forêt sauvage en pleine ville va devoir rendre les clés à la veille de l’été, (...) -
Simplon
Un prix pour les collégiens de Marie-curie [Article complet]
Nadia DjabaliLa nouvelle est tombée quelques jours avant la représentation. Les élèves du collège Marie-Curie sont arrivés premiers au concours départemental de la (...) -
Montmartre
Un siècle et demi de cabaret au lapin agile
Danielle FournierTout le monde connaît Le Lapin agile, mais que se passe-t-il derrière la porte en verre découpé et les volets verts ? Depuis 150 ans c’est (...) -
Les Gens
Ange & Dam, artistes de proximité et du monde
Brigitte BatonnierDepuis trente ans, elles forment un « tandem artistique à quatre mains et deux têtes », qui accroche des anges dans le 18e et ailleurs et aime (...) -
La vie du 18e
Se promener le long de la Petite ceinture : un projet qui avance… lentement
Sophie Roux« Je veux que la Petite ceinture conserve sa vocation de poumon vert », disait Anne Hidalgo en 2014 dans son programme de mandature. Dans le 18e il reste encore quelques étapes pour réaliser cet « espace de respiration ». -
La vie du 18e
La vie Dejean gagne son procès contre la ville de Paris [Article complet]
Marie-Odile FargierLe tribunal administratif de Paris a retenu la faute du préfet de police en matière de sécurité et celle de la Ville en matière de salubrité. (...) -
La vie du 18e
Quand les téléphones mobiles rendent malades
Danielle FournierDes électrosensibles souffrent de la multiplication des antennes de téléphonie dans le 18e. Celles-ci suscitent de plus en plus d’opposition chez (...) -
La vie du 18e
Le lycée rabelais parmi les plus performants de France
Marie-Odile FargierIl fait partie de ceux qui renforcent le mieux les chances de réussite des élèves, d’après l’indicateur Ival de l’Éducation nationale. Pas (...) -
L’actu du mois
Ces rixes entre préadolescents qui n’en finissent pas à la chapelle
Nadia DjabaliEntre Éole et Pajol, des bandes d’enfants entre 11 et 15 ans se bagarrent violemment. Institutions, associations et parents se mobilisent pour (...)