Journal d’informations locales

Le 18e du mois

mai 2025 / La vie du 18e

LIBERTO PLANAS, MAÎTRE LUTHIER CONCERTISTE

par Catherine Masson

Franchir la porte de l’atelier de Liberto Planas, entre Barbès et Montmartre, transporte dans un autre monde. Des dizaines d’instruments anciens à cordes pincées ou frottées, chinés dans les nombreux pays qu’il a visités, y sont exposés. Un véritable musée !

Installé dès 1990 à Montmartre près du Bateau Lavoir, puis rue Durantin et, en 2018, à son adresse actuelle, rue Pierre Picard, Liberto Planas est un maître luthier tendance collectionneur. Mais attention, sa boutique ne se résume pas à une exposition.

Au fond se trouve son atelier où il fabrique des guitares et restaure des instruments anciens. Pour un néophyte, c’est une caverne d’Ali Baba où les outils ont tous leur utilité. On y trouve des scies, des rabots, des perceuses, des fraiseuses, des serre-joints, un tas de tubes de colle, de solvants, de teintures… Au plafond sont suspendus des dos de guitare en différents bois : mahogany, érable, palissandre, cèdre… et des éclisses déjà mises en forme.

Les clients doivent être patients car Liberto ne donne pas de délais. En ce moment, il termine des commandes de 2012 ! La restauration d’un instrument ancien demande une étude et un plan de travail très précis : comment faire, avec quoi l’ouvrir ? Il s’aide d’une caméra, de photos, retrouve la trace des anciens maîtres. Son credo : « il faut le temps qu’il faut ». Lorsqu’il pose le vernis au tampon au dos d’une guitare, le geste est lent, précis, tout en douceur, en rond et en huit.

Maître luthier et guitariste

L’originalité de Liberto Planas, c’est qu’il est autant luthier que musicien concertiste de guitare classique et éprouve le même plaisir à jouer qu’à fabriquer. Né en Andalousie à Almería il y a plus de 80 ans, il décide à l’âge de sept ans d’apprendre la guitare classique après avoir entendu le concerto d’Aranjuez joué par le célèbre guitariste espagnol Narciso Yepes à la radio nationale. Mais trop pauvre pour acheter une guitare, il part à 11 ans à Grenade, à pied, pour rejoindre un maître luthier.

Il complétera sa formation auprès de différents artisans pendant plusieurs années, voyageant toujours à pied et se formera chez différents artisans. Il suit alors les cours du grand maître Segoya à Santiago de Compostelle et remporte le premier prix du conservatoire royal de Madrid. Son répertoire préféré : le siècle d’or de la guitare classique espagnole entre 1558 et 1800.

De Cuba à la Corée du Nord

À partir de 1969, il enseigne pendant huit ans la guitare classique au conservatoire d’Issy-les-Moulineaux. Tout au long de sa vie, il sera de pair concertiste de guitare classique, luthier et professeur. C’est un infatigable globe-trotter qui sillonne le monde pour exercer ses différents métiers. Il a été maître luthier à Cuba où, deux fois par an pendant dix ans, il a enseigné aux élèves la fabrication de guitares pour la vente aux touristes. On le retrouve également à Pyongyang en Corée du Nord où il a créé une école de lutherie en 2011 et où il se rend toujours plusieurs fois par an pour suivre le quatuor qu’il a formé.

Liberto Planas est l’un des rares luthiers à connaître les techniques de fabrication (et de restauration) des instruments à cordes pincées et frottées de tous les continents, tout en continuant à enseigner. Une chance pour les centaines d’élèves qu’il a formés au conservatoire d’Issy-les-Moulineaux et partout dans le monde.

Photo : Jean-Claude N’Diaye

Dans le même numéro (mai 2025)

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