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novembre 2014 / Histoire

Quand Max Jacob vivait à Montmartre

par Dominique Delpirou

Durant la première moitié du 20e siècle, le poète fût l’une des figures marquantes des artistes montmartrois.

En 1931, dans un entretien au Figaro artistique illustré, le poète Max Jacob évoquait ses années montmartroises : « Vous ne voulez pas que je vous décrive la place du Tertre d’aujourd’hui où le moindre bistro s’orne de monstrueuses pancartes annonçant le dancing et le concert. Vous voulez le Montmartre de 1905 ou 1910 ? Hélas Infandum, regina… oui ! Les concierges criaient “ au Commissaire ”, du matin au soir. Les enfants déjà gâtés par le cinéma jouaient au policier et au bandit sur le pavé. À 4 heures du matin, des bandes d’artistes encore attablés en pleine rue empêchaient de dormir plusieurs étages d’immeubles ».
À cette époque, après une première retraite au monastère de Saint-Benoît‑sur-Loire, Max Jacob était revenu vivre à Paris dans un hôtel interlope du quartier des Batignolles. Dans ce lieu d’effervescence artistique et littéraire, rappelant le Bateau-Lavoir, se croisaient poètes, peintres et musiciens (Jean Follain, Antonin Artaud, Georges Sché hadé, Henri Sauguet). Mais, vingt ans après sa vision christique, le Montmartre « de la crasse et de la honte » où il s’était installé en 1907 pour se rapprocher de son ami Picasso, il l’identifiait désormais au « Sacré-Cœur, la maison sainte où Dieu s’approche le plus de ses adorateurs ».
Le poète est né à Quimper, le 12 juillet 1876, de parents juifs d’origine allemande qu’il qualifiera plus tard de « voltairiens » car ils ne respectaient guère que le calendrier des fêtes. C’est dans cette cité que Max Jacob commence à ressentir « des émotions », dont il dira qu’elles étaient « peut-être religieuses ». Il est troublé par les cantiques bretons, les processions et les cérémonies dans la cathédrale auxquelles il ne peut participer.
Se sentant marginalisé, il se réfugie dans les études. Sa scolarité est brillante, il accumule les prix, se passionne pour la musique, la peinture. Il parcourt aussi, en tous sens, avec ses copains, la lande bretonne à laquelle il restera très attaché. « Nous avons couru pieds nus dans les champs nouvellement moissonnés, dans les fougères en forêts minuscules, les cerisiers, les pommiers sauvages ; les aubépines, les coudriers formant des îles limoneuses au milieu du torrent verdoyant. Oui, ces paysages-là, je voudrais y vivre à jamais, sans cesser de les contempler en présence des anges et des saints ». Il aurait pu exaucer le rêve de sa mère et devenir un excellent administrateur des colonies, mais la vie en décide autrement. Une insuffisance pulmonaire et, sans doute, une homosexualité vécue sur le mode de la culpabilité – « J’ai été sodomite sans joie mais avec ardeur », écrira-t-il – le conduisent à démissionner de l’école coloniale.

Le grand ami Picasso

Il part à Paris pour fuir une ambiance provinciale étriquée et un milieu familial étouffant qui ne reconnaît pas ses désirs et ses dons artistiques. Le Moniteur des arts l’embauche comme critique. Il y signe plusieurs articles, sous le pseudonyme de Léon David et, en juin 1901, en visite à la galerie Ambroise Vollard, il est ébloui par les toiles d’un inconnu. C’est la première exposition en France du jeune Pablo Ruiz Picasso. De cette rencontre naît une amitié fraternelle qui ne sera altérée, beaucoup plus tard, que par quelques coups de griffe du peintre.

Max Jacob et Picasso occupaient en alternance le même lit, le premier la nuit, l’autre le jour

Max Jacob fait découvrir Paris à Picasso et s’efforce de lui trouver des acheteurs. Devenu employé aux magasins Paris France, il l’héberge dans sa petite chambre, près de la République. Tous deux occupent, en alternance, le lit unique. Picasso dort le jour et travaille la nuit, Max Jacob fait l’inverse. Comme il n’a ni goût ni don pour le commerce, il est renvoyé huit mois plus tard. Picasso lui aurait dit alors : « Tu es poète ! Vis en poète !  ».
En 1903, il déménage dans le nord de Paris, au 33 boulevard Barbès. Un an plus tard...(Lire la suite dans le numéro de novembre 2014)


Photo : © Yvonne Chevalier

Dans le même numéro (novembre 2014)