La rénovation de la place était dans les tuyaux depuis plusieurs années. Les travaux devraient commencer en mai prochain pour redonner à l’endroit un lustre oublié.
Une belle journée printanière donne à Paris un air de fête. Touristes et riverains retrouvent leurs lieux de prédilection : la butte Montmartre ou Pigalle. Pourtant la place offre un triste spectacle. Trois cars de tourisme stationnent le long du boulevard, dissimulant totalement la perspective sur sa fontaine datant de 1862 où flottent quelques canettes vides dans le bassin. Cette scène, vous ne devriez plus la voir : la Mairie du 9e arrondissement lance en effet la rénovation du site. Une rénovation annoncée lors d’une réunion publique à laquelle assistaient une cinquantaine d’habitants du quartier et tous les élus concernés de l’arrondissement.
La maire, Delphine Bürkli (Horizons), a rappelé son attachement à un projet « emblématique » datant de plusieurs années. Le dernier aménagement, effectué en 2004, « était beaucoup trop minéral », dit-elle. Fin 2020, la municipalité a soumis aux habitants trois propositions de réaménagement et de végétalisation de la place. Ils se sont prononcés pour la troisième option, la plus végétale, la plus ambitieuse mais aussi la plus chère puisque le projet s›élève à 500 000 €. C’est peu ou prou le projet qui va être réalisé.
Il consistera à élargir l’espace piéton autour de la fontaine et à l’agrémenter de massifs d’arbustes et de plantes vivaces. Des trottoirs amélioreront les traversées piétonnes des rues Duperré, Jean-Baptiste Pigalle, Frochot au débouché de la place. Cet endroit sera une « zone de rencontre », selon l’appellation de la Ville de Paris. S’y croiseront voitures (dont la vitesse sera limitée à 20 km/h), piétons et cyclistes. Le revêtement des chaussées sera remplacé par des pavés mosaïques et celui des trottoirs par de grandes dalles de granit. Il s’agit, souligne la maire, de « revenir à l’identité parisienne pour valoriser cet espace mondialement connu. Et d’employer des matériaux plus durables et de qualité ».
Des obstacles dépassés
Si cet embellissement a demandé plusieurs années avant d’être lancé, c’est qu’il supposait notamment d’assurer son financement. Le coût du projet actuel s’avère nettement plus élevé que le montant prévu lors de sa soumission aux habitants, fin 2020-début 2021 : il dépasse 881 000 €. Effet Covid, inflation, choix ambitieux des produits de construction, Delphine Bürkli indique s’être battue pour réussir à atteindre un budget satisfaisant, notamment par le biais des reports de crédits.
Mais il fallait aussi résoudre d’autres difficultés, comme la prise en compte des réseaux de transport en commun. Pour offrir une vue dégagée sur la fontaine, le déplacement de l’arrêt de bus RATP au 22 boulevard de Clichy a demandé pas moins de... huit mois de négociations ! Par ailleurs, la présence d’une station de métro sous la place impose certaines servitudes techniques. Impossible d’y planter de grands arbres car leurs racines risqueraient d’endommager les installations nécessaires au fonctionnement de la station. Le choix et la quantité de végétaux devaient prendre en compte cette donnée.
Autre aspect à considérer : l’environnement immobilier de la place ne doit pas déparer la rénovation à venir. Or, l’avenue Frochot, la belle voie privée dont la magnifique entrée se situe sur la place Gabriel Kaspereit, dispose d’un débouché sur la place Pigalle. Cette issue, utilisée essentiellement pour la sortie des poubelles, s’orne d’un portail fort laid. Il sera habillé et revêtu d’une fresque « street art » évoquant le quartier.
Embellir en préservant le lieu ?
Certains habitants présents lors de la réunion de présentation du projet ont fait état de leurs préoccupations. Située sur un lieu très fréquenté, la place ne risque-t-elle pas d’être rapidement détériorée d’autant que les abords de la fontaine seront accessibles à tous ? « L’embellissement du lieu sera le garant de sa préservation », indique la maire. Entouré d’arbres et d’arbustes, revêtu de beaux matériaux, le site devrait inspirer plus d’admiration que d’envie de le dégrader.
D’autant qu’une grande attention sera portée à son entretien. Outre les services de la Ville de Paris, l’arrondissement recourt à une entreprise d’insertion pour l’entretien de ce lieu. L’installation de bancs, inspirés des traditionnels bancs« Alphand », mais de forme circulaire, offrira aux promeneurs un confort supérieur aux rebords de la fontaine.
Le projet fait, semble-t-il, consensus. Frédérique Dutreuil (groupe écologiste de Paris), conseillère du 9e arrondissement, estime l’objectif « satisfaisant. La place, indique-t-elle, avait besoin d’être végétalisée. Nous aurions aimé qu’elle le soit plus encore mais les contraintes techniques ne le permettaient pas. La Mairie de Paris, notamment David Belliard (adjoint EELV en charge de la transformation de l’espace public), s’est aussi beaucoup impliquée dans ce projet. Elle a également incité à une large participation des habitants ».
La place Pigalle va donc retrouver l’aspect qu’ont immortalisé les peintres de la fin du XIXe et du début du siècle dernier. Sa fontaine redeviendra, comme elle l’était dans certaines toiles de Giuseppe Castiglione ou de Maurice Utrillo, le coeur du site. Les travaux devraient commencer ce mois-ci et s’achever fin mars 2024, avant les Jeux olympiques. Souhaitons qu’elle ne doive pas alors faire face à une affluence touristique susceptible d’altérer peu ou prou sa nouvelle jeunesse ! •
Photo : Sandra Mignot