Comment s’approprier et gérer ensemble les biens communs urbains du quartier de La Chapelle : parcs et jardins, places, bibliothèques, friches, lieux culturels, logements sociaux ? Une expérience d’auto-apprentissage est conduite avec les habitants, leurs collectifs et organisations.
Pourquoi une Ecole des communs de La Chapelle ? Pour mieux connaître et partager les multiples initiatives solidaires collectives, très nombreuses dans ce quartier et en particulier leurs mécanismes de gouvernance en commun. Partage des décisions quotidiennes, répartition des rôles et des tâches, accueil des nouveaux et nouvelles, hiérarchies qui s’imposent d’elles-mêmes ou encore organisation de la collecte des ressources et leur attribution sont autant d’endroits où elle s’exerce, parfois de manière invisible. S’approprier les outils et méthodes mis en oeuvre permet à d’autres collectifs de gagner du temps et conduit à une culture commune.
Cinq chantiers ont été proposés et animés depuis un peu plus d’un an, par la radio RapTz et Remix the commons, collectif de soutien à ce type de projets, sur des thèmes adaptés au contexte du quartier et des différents participants (habitants et habitantes, porteurs de projets, acteurs économiques, institutions, etc.). Le projet est soutenu par la fondation Paris Habitat.
Maîtrise des ressources et du temps
Pour le premier : « se rejoindre, se raconter », une promenade a permis de cartographier les lieux-ressources du quartier et de connaître les diverses initiatives et comment les partager. Pour Mohaman Haman, architecte-urbaniste créateur de la case obus aux Jardins d’Eole : « La Chapelle est un petit village dans un village, le Shakirail fait partie de la Halle Pajol » et le jeune Yanis qui pourtant y vit, a « découvert ses évolutions et appris de son quartier ».
Avec son titre provocateur, l’atelier « money or no money » était consacré non seulement à la maîtrise de l’argent mais à l’ensemble des ressources nécessaires à l’action collective : le temps, les matériaux, les réseaux. Le partage prend tout son sens en cas de contraintes économiques mais aussi dans l’invention de relations humaines différentes, par la solidarité et l’entraide.
Le temps était au coeur du troisième chantier « le temps du soin (care) », en particulier les arbitrages nécessaires entre militantisme et temps personnel pour éviter l’épuisement et la surcharge (et plus encore, l’auto-exploitation). Même si réfléchir, gérer des conflits ou des activités, nettoyer et ranger les espaces collectifs n’ont pas la même visibilité, ces tâches ont toutes un intérêt pour la collectivité et il faut les répartir. Le travail a porté sur la création de réseaux locaux pour mutualiser les ressources temporelles, d’agendas communs pour les événements organisés, d’affichage pour la redistribution des tâches, etc.
Valoriser les apprentissages
Beaucoup de questions autour du thème du quatrième chantier « l’espace en commun » car l’accueil (physique et numérique) des activités vient en concurrence avec d’autres types de rencontres. Quelles relations de pouvoir entre les propriétaires/administrateurs et les usages d’un espace ? Que signifie ouvrir un espace ? Pour Frédéric Sultan, pilote du projet pour Remix the commons : « La maîtrise d’usage dépend de la mobilisation des habitants pour faire vivre l’espace, être là, ce n’est jamais terminé. Les espaces ne doivent pas être clos mais l’ouverture des parcs peut poser des problèmes (jardins partagés). “Avoir la clé” permet aussi de fermer l’espace. On en revient à la gouvernance et au partage des responsabilités. » Anna-Louise (voir p. 4) rappelle qu’aux Jardins d’Eole, les P’tits Déjs solidaires sont « tolérés mais pas autorisés, nous sommes “chez nous” mais pas vraiment... »
« Un quartier en commun », dernier atelier de ce cycle avait pour but de mettre en valeur les apprentissages des rencontres précédentes, de les rendre accessibles et de permettre leur reproduction. Le groupe s’est interrogé sur les infrastructures de tous ordres qui peuvent encourager la collaboration locale dans le quartier de La Chapelle. Pour Anna-Louise, « le quartier nous appartient et on lui appartient, on est formés par lui et c’est donnant/donnant, il y a un bénéfice pour tous. J’ai cotoyé des personnes que je n’aurais jamais rencontrées. » Et Yanis qui pourtant déclare que « passer à l’action, c’est plus difficile » va organiser avec d’autres jeunes du quartier la deuxième Original Chapelle Party dans le square Rachmaninov, rue Tristan Tzara. Cette fête de quartier, soutenue par plusieurs associations locales proposera de nombreuses activités pour tous les âges et même... une scène ouverte.