Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

mai 2023 / Le dossier du mois

Une autre idée de l’action collective

par Annie Katz

Comment s’approprier et gérer ensemble les biens communs urbains du quartier de La Chapelle : parcs et jardins, places, bibliothèques, friches, lieux culturels, logements sociaux ? Une expérience d’auto-apprentissage est conduite avec les habitants, leurs collectifs et organisations.

Pourquoi une Ecole des communs de La Chapelle ? Pour mieux connaître et partager les multiples initiatives solidaires collectives, très nombreuses dans ce quartier et en particulier leurs mécanismes de gouvernance en commun. Partage des décisions quotidiennes, répartition des rôles et des tâches, accueil des nouveaux et nouvelles, hiérarchies qui s’imposent d’elles-mêmes ou encore organisation de la collecte des ressources et leur attribution sont autant d’endroits où elle s’exerce, parfois de manière invisible. S’approprier les outils et méthodes mis en oeuvre permet à d’autres collectifs de gagner du temps et conduit à une culture commune.

Cinq chantiers ont été proposés et animés depuis un peu plus d’un an, par la radio RapTz et Remix the commons, collectif de soutien à ce type de projets, sur des thèmes adaptés au contexte du quartier et des différents participants (habitants et habitantes, porteurs de projets, acteurs économiques, institutions, etc.). Le projet est soutenu par la fondation Paris Habitat.

Maîtrise des ressources et du temps

Pour le premier : « se rejoindre, se raconter », une promenade a permis de cartographier les lieux-ressources du quartier et de connaître les diverses initiatives et comment les partager. Pour Mohaman Haman, architecte-urbaniste créateur de la case obus aux Jardins d’Eole : « La Chapelle est un petit village dans un village, le Shakirail fait partie de la Halle Pajol » et le jeune Yanis qui pourtant y vit, a « découvert ses évolutions et appris de son quartier ».

Avec son titre provocateur, l’atelier « money or no money » était consacré non seulement à la maîtrise de l’argent mais à l’ensemble des ressources nécessaires à l’action collective : le temps, les matériaux, les réseaux. Le partage prend tout son sens en cas de contraintes économiques mais aussi dans l’invention de relations humaines différentes, par la solidarité et l’entraide.

Le temps était au coeur du troisième chantier « le temps du soin (care) », en particulier les arbitrages nécessaires entre militantisme et temps personnel pour éviter l’épuisement et la surcharge (et plus encore, l’auto-exploitation). Même si réfléchir, gérer des conflits ou des activités, nettoyer et ranger les espaces collectifs n’ont pas la même visibilité, ces tâches ont toutes un intérêt pour la collectivité et il faut les répartir. Le travail a porté sur la création de réseaux locaux pour mutualiser les ressources temporelles, d’agendas communs pour les événements organisés, d’affichage pour la redistribution des tâches, etc.

Valoriser les apprentissages

Beaucoup de questions autour du thème du quatrième chantier « l’espace en commun » car l’accueil (physique et numérique) des activités vient en concurrence avec d’autres types de rencontres. Quelles relations de pouvoir entre les propriétaires/administrateurs et les usages d’un espace ? Que signifie ouvrir un espace ? Pour Frédéric Sultan, pilote du projet pour Remix the commons : « La maîtrise d’usage dépend de la mobilisation des habitants pour faire vivre l’espace, être là, ce n’est jamais terminé. Les espaces ne doivent pas être clos mais l’ouverture des parcs peut poser des problèmes (jardins partagés). “Avoir la clé” permet aussi de fermer l’espace. On en revient à la gouvernance et au partage des responsabilités. » Anna-Louise (voir p. 4) rappelle qu’aux Jardins d’Eole, les P’tits Déjs solidaires sont « tolérés mais pas autorisés, nous sommes “chez nous” mais pas vraiment...  »

« Un quartier en commun », dernier atelier de ce cycle avait pour but de mettre en valeur les apprentissages des rencontres précédentes, de les rendre accessibles et de permettre leur reproduction. Le groupe s’est interrogé sur les infrastructures de tous ordres qui peuvent encourager la collaboration locale dans le quartier de La Chapelle. Pour Anna-Louise, « le quartier nous appartient et on lui appartient, on est formés par lui et c’est donnant/donnant, il y a un bénéfice pour tous. J’ai cotoyé des personnes que je n’aurais jamais rencontrées. » Et Yanis qui pourtant déclare que « passer à l’action, c’est plus difficile » va organiser avec d’autres jeunes du quartier la deuxième Original Chapelle Party dans le square Rachmaninov, rue Tristan Tzara. Cette fête de quartier, soutenue par plusieurs associations locales proposera de nombreuses activités pour tous les âges et même... une scène ouverte.

Dans le même numéro (mai 2023)

  • La vie du 18e

    Casserolade, occupation, manif : le 18e garde la cadence

    Sandra Mignot
    Depuis la validation de la loi réformant le système de retraites par le Conseil constitutionnel, les manifestations se multiplient ici et là.
  • La vie du 18e

    Garçon, un cocktail s’il vous plaît

    Sandra Mignot
    La finale départementale et régionale du concours du meilleur apprenti barman s’est déroulée au Lycée hôtelier Belliard. Les deux candidats de l’établissement s’y sont vu décerner une médaille d’or.
  • Montmarte

    Resculpter la place Pigalle

    Dominique Gaucher
    La rénovation de la place était dans les tuyaux depuis plusieurs années. Les travaux devraient commencer en mai prochain pour redonner à l’endroit un lustre oublié.
  • Histoire

    Les lumières de la ville

    Danielle Fournier
    Personne ne peut s’imaginer aujourd’hui les rues parisiennes plongées totalement dans le noir. Pourtant, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, le couvre-feu était instauré. Délicat et dangereux de sortir ! Seuls ceux qui faisaient partie du guet, passée une certaine heure, parcouraient les rues à la lueur des flambeaux. Ensuite, le gaz puis l’électricité ont révolutionné les nuits de Paris.
  • Culture

    Le tour de France d’Henri Landier

    A.K.
    Du 11 mai au 25 juin à l’Atelier d’art Lepic, 1 rue Tourlaque, métro Abbesses, entrée libre du mardi au dimanche de 14 h à 19 h, 01 46 06 90 74, artlepic.org
  • Les Gens

    Danser, toujours danser

    Danielle Fournier
    Si Francine Bergé est connue et reconnue comme une immense comédienne, au théâtre et au cinéma, elle le doit à la danse, une discipline qui l’a nourrie depuis toute petite et qu’elle continue de pratiquer avec assiduité.

n° 330

octobre 2024