VRAC, Vers un Réseau d’Achat Commun, présent dans les quartiers populaires de plusieurs grandes villes, défend une justice alimentaire, d’autres modes de production et de consommation et propose des produits bio, vendus à prix coûtant à ses adhérents. A Paris, sept antennes ont vu le jour dont une dans le quartier Charles Hermite.
Dans le local de Paris Habitat en pied d’immeuble au 46 boulevard Ney, c’est jour de livraison. Le camion vient d’arriver, les produits commandés déchargés et répartis sur différentes tables. D’ici une heure, la distribution mensuelle du réseau VRAC pourra débuter. Mais pour le moment, Gaëlle, chargée de mission, lance : « On va commencer l’inventaire. » Les pots de miel de Sologne ou de Chantilly, les pâtes, les bidons de lessive et de liquide vaisselle, les paquets de café, les jus de pomme, les sauces tomate, les fruits et les légumes secs, les cageots de fruits et légumes frais sont alors comptés par l’équipe de bénévoles.
Ce jour là, outre Gaëlle et Hannah, sa collaboratrice, il y a Sandrine venue se former pour ouvrir une antenne de distribution en banlieue et Bertrand, bénévole, habitant à Charles Hermite depuis vingt-quatre ans, « heureux de l’installation de VRAC et de La corvée, la laverie solidaire voisine dans le quartier » (Lire notre n° 309). Micheline, stagiaire, future assistante de service social, en formation à Paris Descartes est également présente avec Corentin, étudiant qui aide à chaque distribution, dans le cadre du KAPS* (Kolocs à projet solidaire).
Des adhérents convaincus
Aujourd’hui 70 adhérents ont commandé « des produits bruts, transculturels » disent Gaëlle et Hannah qui rappellent le « gros travail d’accompagnement réalisé par téléphone ou lors des permanences autour d’un petit café, pour aider certains à commander en ligne ». Elles proposent également une aide de la cagnotte solidaire si elles sentent que l’argent est un frein à l’achat, car il importe que chacun puisse accéder à une alimentation saine et bon marché.
Colette, « ancienne du quartier » commande pour la deuxième fois. Son caddy plein de légumes frais, elle nous raconte que « avant il y avait une mercerie à la place du local et un marché deux fois par semaine » et déplore que tous les commerces soient partis et le quartier devenu « une cité dortoir ». Léo, étudiant à Paris Saclay, vient également pour la deuxième fois. Il apprécie le « sans packaging, le bio par cher ». Nicole, depuis 1987 dans le quartier, vient depuis le début (2020) car ce sont « mes idées et que c’est une initiative éthique menée de main de maître ». Elle a assisté à une conférence de Boris Tavernier (fondateur de VRAC, à Lyon en 2014, et défenseur du concept de sécurité sociale de l’alimentation) et apprécie que VRAC « pousse au niveau national pour une sécurité alimentaire soutenue ».
Démocratie alimentaire
« La démocratie alimentaire, le lien social, la santé et les questions environnementales sont au coeur de VRAC » rappelle Gaëlle. Il faut « pouvoir choisir ce que l’on mange et respecter ceux qui fournissent les produits ».
Cela passe par différentes actions. La création d’un collectif et des balades urbaines organisées dans les boutiques du quartier avec les habitants pour réfléchir à la « compréhension du système alimentaire ». Trois axes ont été identifiés : la traçabilité, le prix et la mobilité, depuis l’accessibilité du produit et sa production jusqu’au recyclage, avec trois questions simples, où je fais mes courses ? Qu’est-ce que je peux acheter ? À quel prix ?
Des visites sont organisées dans une ferme du Vexin pour rencontrer une productrice de lait bio ou à La Sauge (pépinière urbaine participative) à Pantin. Un grand concours annuel de cuisine a été organisé à Charles Hermitte en juin 2021.
Un club-produit se met en place « avec les envies des gens et leurs pratiques » pour compléter le catalogue de produits communs au réseau national et l’offre plus locale (farine des Moulins de Versailles, miels de Chantilly, légumes d’Ile-de-France). « On est tout jeune mais on grandit bien » conclut Gaëlle même si des financements complémentaires à ceux de la Ville de Paris, des bailleurs sociaux et de France Relance seraient les bienvenus pour développer leur action. •
Photo : Jean-Claude N’Diaye