Il est assez fascinant de constater à quel point les questions soulevées par les artistes de l’art brut – interrogations essentielles sur la mort, le sexe, la religion, les mythologies – se retrouvent sous des formes proches dans des civilisations éloignées géographiquement ou culturellement. Pour preuve, les œuvres actuellement installées à la Halle Saint-Pierre évoquent pour certaines, par leur côté obsessionnel, répétitif, naïf et libre, d’autres artistes croisés dans ce même lieu.
Mais ce qui est certainement propre à ceux que présente aujourd’hui la Halle, c’est la source de leur inspiration qui puise dans une culture iconographique, calligraphique, picturale, dans une histoire millénaire et une littérature riche de grandes épopées. Le destin tragique de la plupart de ces artistes – pauvreté, maladie, troubles psychiques – trouve son expression dans un imaginaire forgé par cette civilisation où le fantastique et le réel se côtoient. Comme par exemple dans les créatures effrayantes et attachantes mi-hommes mi-monstres de David Koochaki, les gouaches colorées de Haaj Mohammad Harati, les fantômes pointillistes de Limoo Ahmadi.
Fiction créatrice
La culture iranienne est également riche d’une tradition poétique illustrée, jardins et fleurs, que l’on retrouve dans l’expression croisée de Mahmood Khan et Farideh, qui peuplent des arbres aux branches déployées d’êtres hybrides ou dans le jardin multicolore de Mohsen Asgarian.
Quant à Alireza Asbahi Sisi, c’est la tradition tisserande de l’Orient qui s’exprime dans ses patchworks de tapis recomposés en tableaux, peuplés de personnages héroïques.
Les parcours chaotiques de ces artistes se ressemblent souvent : leur capacité créatrice se découvre tardivement dans leur existence, marquée soit par un travail souvent modeste, soit par une incapacité assez précoce à s’intégrer.
Comme l’affirme Martine Lusardy, directrice de la Halle Saint-Pierre : « Fonctionnant comme une harmonie dissonante, les créateurs réunis le temps d’une exposition nous invitent à croire à la puissance régénératrice de la fiction créatrice. Insuffler de l’imaginaire est un processus nécessaire pour réinventer la vie. »