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juin 2020 / La vie du 18e

Avoir faim, la double peine ! [Article complet]

par Sylvie Chatelin

Situation préoccupante au foyer de la rue Marc Seguin où les travailleurs migrants se sont retrouvés sans revenu et sans moyens pour acheter à manger pendant le confinement.

Boulaye Diako, le délégué du foyer, nous le confirme : la plupart des 267 résidents sont sans travail depuis le début du confinement. En effet, beaucoup travaillent au noir et assurent tous ces « petits » travaux dont nous voyons maintenant qu’ils sont indispensables au bon fonctionnement de notre société... De plus, dehors, ils craignent de se trouver face à la police et même ceux qui en ont encore les moyens, n’osent pas sortir pour aller faire des courses. Heureusement, « la santé, ça va », ils sont « épargnés pour le moment » avec une « seule personne hospitalisée mais tout va bien ».

Interrogée sur ces craintes de sortir, Maya Akkari, adjointe chargée de la politique de la ville, « a dialogué avec Emmanuelle Oster, commissaire divisionnaire du 18e, pour que la police n’applique pas de mesures coercitives ». Le message est-il bien redescendu vers le terrain où on observe une forte présence policière ?

Témoignages contradictoires

Boulaye Diako souligne également que le bailleur, la société Adoma, « premier opérateur national du logement accompagné », leur envoie des affiches pour les « sensibiliser aux gestes barrières » ce que confirme par mail sa direction des relations institutionnelles et de la communication. Il semblerait, toujours de même source, qu’ils sont en lien constant avec leurs résidents, essentiellement par téléphone mais aussi physiquement ainsi qu’avec les acteurs publics (DASES, ARS, etc.) pour assurer la sécurité sanitaire de chacun et répondre aux besoins vitaux, dont l’alimentation mais qu’ils « n’ont reçu aucun signalement quant à un quelconque manque alimentaire ». Qui croire, quand le délégué de son côté, affirme que leur bailleur« ne s’est jamais préoccupé de leur situation » ?

Au niveau institutionnel, difficile de démêler qui de Katia Lamardelle, directrice de l’Ecole normale sociale (ENS) a alerté Maya Akkari (ou l’inverse). Comme le souligne cette dernière « la ville mettant du temps à débloquer des fonds », elles ont obtenu d’utiliser de manière « dérogatoire » une partie du Fond de participation des habitants (FPH) de La Chapelle. Une enveloppe de 700 € ainsi libérée a permis l’achat de denrées alimentaires et une première livraison au foyer.

L’élue souligne par ailleurs que la mairie du 18e « a anticipé avant le confinement » et qu’informée par les centres sociaux, les associations et les centres d’action sociale de Paris, la mairie apporte une aide aux populations qui en ont besoin, soit par le versement de subventions aux associations qui en font la demande, soit par la mise à disposition de locaux. Son objectif comme celui du maire, Eric Lejoindre ? « Que tout le monde mange et répondre à toutes les strates de la population, migrants, SDF, classes moyennes ». Rachid Arar de La Table ouverte qui se démène avec son équipe de bénévoles pour préparer et distribuer tous les jours 500 repas à la Goutte d’Or le confirme, la mairie du 18e a bien contribué, à hauteur de 4 000 €.

Mobilisation des habitants et des associations

Un formidable réseau de solidarité s’est heureusement mis en place à La Chapelle, pour aider les habitants du foyer. Le collectif Paris 18 nord La Chapelle semble être le premier à avoir sonné l’alerte sur sa page Facebook et, sensible au sort des travailleurs immigrés, Viviane Vicente, habitante du quartier, a réagi aussitôt en lançant une cagnotte en ligne qui récolte 1 400 € de dons en moins d’une semaine (1 585 € aujourd’hui), provenant essentiellement des habitants. « Pour une cagnotte de quartier, c’est formidable, c’est très, très beau » se réjouit Viviane. Une première livraison de lait, café, dattes et sucre, denrées très attendues par les résidents pour la rupture du jeûne en cette période de ramadan, a ainsi déjà été faite.
Les biffins de l’association Amélior, avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre ont également contribué par une « livraison de denrées alimentaires aux 600 personnes [sic] ». Quelques particuliers passent également en toute discrétion déposer des plats préparés ou des produits variés.

La solidarité s’est donc mise en place et continue mais comme le déplore Viviane, « en temps normal, ce sont déjà des personnes qui sont invisibles, qui ne sortent que pour aller travailler. Et en période de confinement, comme ils ne sortent plus, c’est l’invisibilisation dans l’invisibilisation  » . Il ne faut pas les oublier maintenant que le confinement est levé et que nous retournons à une vie « normale ». Mais quelle normalité pour eux ?

Cagnotte en ligne : cliquez ici

Assurer l’essentiel

Le lendemain de notre entretien avec Maya Akkari, la mairie semble avoir pris la mesure de l’urgence d’intervenir et de soutenir les associations et habitants engagés auprès des résidents. L’élue nous confirme qu’à partir du 7 mai, « des paniers de fruits et légumes dits essentiels seront distribués gratuitement au foyer Adoma, via le budget alloué par la politique de la ville. Et des livraisons alimentaires quotidiennes de produits d’épicerie divers et variés seront assurées ».

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