Depuis plus de 62 ans, Christiane et Robert vivent deux passions jamais contrariées. La passion de leur vie de couple et la passion de leur travail de tapissier partagé dans le même atelier.
Ces deux ouragans de bons sentiments réciproques abordent sans fard, avec leurs mots simples, accessibles, intimes, leur longue vie commune. Robert a 87 ans, Christiane, 80. Ils ouvrent leur atelier, au 174 rue Marcadet, vers 10 h tous les matins, le quittent vers 19 h, tous les soirs, car ils ont toujours des commandes, soit de réfection de sièges anciens et modernes, soit de fabrication nouvelle. L’accueil est chaleureux, avec la gouaille du travail bien fait « à l’ancienne » pour Robert, la gouaille du titi parisien pour Christiane, l’intarissable.
Mangeclous
Robert parle toujours la bouche pleine… de clous tapissiers qu’il extrait un à un de sa bouche pour les coller à son ramponneau, petit marteau à tête aimantée, puis il plante le clou dans la toile ou les tissus. Le geste est rapide et sûr, les clous sont enfoncés à pas réguliers « En moyenne, j’avale une quinzaine de clous par an » affirme-t-il le sourire en coin. Que sont devenus ces clous ? « Je ne sais pas et je m’en fiche ».
Et toujours avec la même verve, il poursuit : « Les dix premières années de ma vie, je les ai passées à Rennes chez une tante qui allait à la messe tous les dimanches. Mon oncle était communiste. Ils s’entendaient comme larrons en foire parce qu’ils évitaient de parler religion ou politique. Après la guerre j’ai rejoint Paris avec mes parents ». En 1948, son grand-père et son père installent leur atelier au 174, rue Marcadet qui est encore l’atelier de Robert et Christiane. « J’ai 19 ans, je rentre du service militaire et je décide de devenir tapissier. Je suis la cinquième génération de tapissiers dans la famille. On travaillait dur, douze heures par jour plus le samedi matin. Mon père était un emmerdeur, pointilleux, obsédé par un rendu parfait ».
Métier d’art
Petit à petit l’atelier s’agrandit : en 1960, sept tapissiers travaillent à plein-temps pour la maison Patard. « Et pourtant, il y avait trois tapissiers dans la rue, dont un en face de notre atelier. L’impasse en face comportait tous les métiers du bâtiment, de la décoration, plus des commerces de proximité et des bistrots. Tout a été remplacé par des immeubles. Il y avait même un pompiste avec une jambe en bois qui servait l’essence, assis sur une chaise ».
Le métier n’a pas changé, Robert a pérennisé le travail traditionnel du tapissier. Des garnitures en crin végétal et animal, une finition sous toile et ouate blanches avec galons. « Ici, on ne travaille pas la mousse » insiste-t-il. Autrefois, tous les fauteuils et canapés étaient fabriqués entièrement à la main, les clous et les galons dorés à la main, les sangles faites à partir de crinière et de queue-de-cheval... (Lire la suite dans le numéro de juillet-août 2016)
Photo : © Christian Adnin
Dans le même numéro (juillet-août 2016)
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