La mobilisation s’amplifie contre la fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon et la construction du Grand hôpital Paris Nord à Saint-Ouen, à la suite de l’ouverture d’une nouvelle enquête publique.
Tout de suite, le ton est donné lors de la réunion publique du 5 février à la mairie du 18e : « L’enquête publique est lancée seulement sur Saint-Ouen, alors qu’elle devrait être étendue au moins au 18e et à Clichy, prévient Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris, chargée des questions de santé et des relations avec l’AP-HP, il y a une tension sur l’hôpital public, des attentes trop longues aux urgences, de nouveaux quartiers se construisent, il faut aller vers une hausse de l’offre de soins. » Même prise de position pour Ayodele Ikuesan, adjointe au maire du 18e chargée de la santé et de la réduction des risques, qui insiste sur la nécessité de maintenir Bichat et Beaujon, hôpitaux de proximité.
Sortir du monde d’avant
Cette nouvelle enquête publique, qui prend fin le 4 mars, a été ordonnée par la cour administrative d’appel de Paris en octobre 2023, afin de présenter un dossier complet et actualisé (voir notre numéro de décembre dernier).
Cette concertation fera-t-elle bouger les lignes ? Pas certain selon Olivier Milleron, cardiologue militant du Comité inter-hôpitaux : « On nous a beaucoup demandé notre avis… on n’en a pas tenu compte ! Le lieu choisi est déficitaire en soins et on va supprimer 300 lits, uniquement dans le but de faire baisser la masse salariale, donc les effectifs. »
Dans l’actualisation du projet par l’AP-HP, il constate toujours une baisse du nombre de lits MCO (médecine-chirurgie-obstétrique), des chiffres toujours « bizarres », notamment des lits dans une parcelle supplémentaire. « Nous voulons qu’y soit prévue une maison de santé avec des consultations tardives car les urgences vont éclater. Il n’y a aucune étude sérieuse sur la maternité, avec une prévision de 1 000 accouchements de moins ! » Il estime la durée moyenne de séjour sous-évaluée de 30 % par rapport à la réalité et le taux de 85 % d’occupation des lits trop élevé pour un établissement public.
Pour Simon Chiaroni, secrétaire de la CGT de Bichat, alors que la crise Covid a montré les faiblesses de l’hôpital, « on est revenu au monde d’avant : financiarisation, désaffection du personnel, suppression de lits… Comment peut-on prévoir 120 000 passages aux urgences sur un seul site ? »
Mêmes critiques à Saint-Ouen, lors de la réunion du 8 février dernier, en particulier sur la localisation de l’établissement, en pleine ville, dans un secteur très dense, difficile d’accès et saturé en termes de circulation. Est également pointée la sous-estimation des besoins réels. Fondée sur la référence de 2017, elle ne tient pas compte de l’accroissement récent de la population.
Maintenir des hôpitaux de proximité
Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l’hôpital Avicenne (93) et conseiller régional (LFI), alerte, comme il l’avait fait lors de la réunion à la mairie du 18e, sur les « pertes de chance » aux urgences : « Les gens qui portent plainte ne sont que la partie émergée de l’iceberg, on estime à 1 500 à 2 000 les morts évitables. »
Pour ce dernier, il faut connaître le coût réel de la rénovation de Bichat et Beaujon et le comparer à celui du futur hôpital, 1,3 milliard d’euros pour le moment. « On n’a jamais fait le bilan de l’hôpital Georges Pompidou, ce grand paquebot qui n’offre pas toujours les services qu’on est en droit d’en attendre. On est dans le »monde d’après, il faut tout remettre à plat." Quant à la parcelle voisine évoquée par l’AP-HP pour un hôtel hospitalier, il indique que le groupe Accor est déjà sur les rangs.
Lors du rassemblement organisé le samedi 24 à l’initiative de LFI au métro Jules Joffrin, avec le soutien des élus écologistes de la Mairie du 18e, Pierre-Yvain Arnaud, adjoint chargé des solidarités, rappelle que deux vœux ont été votés par le Conseil de Paris pour le maintien de Bichat, notamment justifiés par la construction de nouveaux quartiers, dans un arrondissement qui compte actuellement 191 000 habitants.« Nous souhaitons un véritable hôpital, avec des urgences et une maternité, tient-il à préciser, pas uniquement un établissement de soins de suite et de long séjour. » Il insiste aussi sur la nécessité de renforcer le pôle psychiatrie et de maintenir la Maison des femmes.
Une manifestation à l’initiative des syndicats et collectifs devait avoir lieu devant l’hôpital Bichat, avant la clôture de l’enquête publique. •