L’École de la deuxième Chance s’agrandit pour pouvoir accueillir davantage de stagiaires. A Paris elle réussit chaque année à faire accéder 400 jeunes, sans diplômes et sortis du système scolaire, à un contrat de travail, six mois après leur inscription.
« Nous pourrions continuer sur notre rythme. Mais nous savons que 2000 jeunes à Paris correspondent à nos critères, alors nous avons décidé d’être ambitieux, et de nous agrandir. De nouveaux locaux (rue du Maroc), des implantations dans d’autres arrondissements comme le 13e, un dialogue constructif avec les élus, une communication active sur les réseaux sociaux, autant de moyens pour avancer dans notre engagement auprès de ces jeunes » explique avec enthousiasme Denis Bouchard, de l’E2C de Paris.
L’établissement, dont il a pris la présidence en 2012, a pour but de faire décrocher un contrat de travail à des jeunes qui ont quitté le système scolaire. Après 15 ans de scolarité, ils sont sans diplôme, souvent abimés par la vie, sachant parfois à peine lire et écrire. Ils se considèrent comme nuls, incapables, ne savent plus quoi faire.
« Mais quand un jeune a envie de reprendre sa vie en main, il faut agir tout de suite. Si on lui dit, ok, on vous prend dans six mois, on l’a perdu ! » dit d’emblée Denis Bouchard. « A l’E2C, il y a une réunion d’information tous les mercredis, et nous accueillons une dizaine de jeunes le lundi suivant avec un petit rappel SMS le dimanche soir. C’est déjà une façon de dire qu’on les attend. »
Un contrat de travail en six mois
Ici pas d’élèves – mais des stagiaires, rémunérés 500 € par mois –, pas de professeurs, pas de rentrée des classes une fois par an, pas de diplôme à la fin. « Nous travaillons tous ensemble pour qu’en six mois, les jeunes qui se sont inscrits chez nous aient un contrat de travail », résume Denis Bouchard.
Le parcours débute par un atelier théâtre pour désinhiber, interagir, exister les uns avec les autres, commencer à faire groupe. Et le premier objectif est clair : entrer en stage en entreprise trois semaines après. Pour cela, il faut définir un ou deux projets professionnels, intégrer les codes de la vie en entreprise : tenue vestimentaire, niveau de langage, respect des horaires. « C’est vrai qu’ils ne nous lâchaient pas avec ça, une minute de retard et on restait dehors jusqu’à l’heure suivante ! » se souvient Youcef, qui a passé huit mois à l’E2C en 2017.
30 salariés, 60 bénévoles, des intervenants qui viennent présenter leur métier avec passion, ce sont autant d’adultes bienveillants qui sont là pour aider à construire leur projet. Des adultes également exigeants, car définir un cadre, c’est aussi mettre ces jeunes en sécurité. « Ils étaient là pour nous. Mais nos stages, on les cherchait nous-même, on se mettait au téléphone dans une salle, et il fallait appeler, avoir des refus, recommencer. C’était dur mais on finissait par y arriver ! » confirme Youcef.
Ce premier stage, c’est directement du travail en entreprise : transporter des cagettes, mettre en rayon, informer les clients, répondre au téléphone… Après cette première expérience, le jeune définit ses besoins en formation en fonction des lacunes qu’il a constatées : mise à niveau en orthographe, bureautique, expression orale… et se met à la recherche d’un deuxième stage.
« Il est aussi important pour nous qu’ils puissent dire qu’ils se sont trompés, que ce qu’ils ont fait ne correspondait pas à ce qu’ils imaginaient. Ils peuvent ainsi rebondir rapidement sur leur deuxième projet », précise Denis Bouchard. Au bout de six mois, 73 % des jeunes accèdent à un contrat de travail (CDD, CDI, contrat d’apprentissage…).
Une ouverture à la citoyenneté
Après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, les accompagnateurs de l’E2C ont souhaité ajouter un volet citoyenneté dans le parcours proposé. Par exemple, chaque jeune assiste une fois par mois au Conseil de Paris. Des visites sont organisées au mémorial du Camp des Milles à Aix-en-Provence, camp d’internement et de déportation entre 1939 et 1945. Ils participent aussi à des actions de prévention contre l’homophobie, le sexisme… « Ils prennent conscience qu’ils ont, eux aussi, un pouvoir d’agir. Ils participent à des débats et découvrent qu’ils savent réfléchir, argumenter, se faire une opinion », ajoute Denis Bouchard.
Mais laissons le dernier mot à Youcef : « Je suis maintenant en CDI, je fais de l’accueil et de l’animation auprès des jeunes du centre social Espace Torcy et on commence à réaliser des projets ensemble. Je suis en train de finaliser mon BAFA. Je suis content. »