Le proviseur du lycée professionnel Belliard, campagnard dans l’âme qui a adopté le 18e, est une personnalité dévouée à son métier.
Il y a, au 135 de la rue Belliard, un lycée public hôtelier unique en son genre, à la fois lycée professionnel, CFA, Greta (centre de formation continue des adultes) et une section pâtisserie. Et à la tête de cette communauté éducative de 700 personnes (dont 600 élèves) un proviseur, Pascal Maillou, personnage à la fois physiquement et mentalement très carré mais aussi foisonnant, passionné et intarissable sur toutes ses expériences vécues.
Bien qu’installé depuis seulement quatre ans dans l’arrondissement, il semble faire corps depuis toujours avec son établissement. Campagnard dans l’âme, lui qui toute sa carrière avait clamé « tout sauf Paris », a choisi ce lycée pour sa structure et sa localisation. Il s’est dit qu’il « allait y être bien ». Et surprenant tout le monde, lui le premier, il s’est très vite acclimaté à la capitale et n’a même pas demandé sa mutation. Il en apprécie la vie culturelle mais aussi sa vie de quartier à laquelle il s’est bien intégré. « On ne s’y sent pas anonyme, remarque-t-il. Je suis attaché à ce quartier populaire, pas trop “bobo” » ». Il en aime la mixité et ne craint pas d’en affronter les difficultés. Car il a un côté « très familial dans la journée du fait de ses trois écoles. Après 19 h, c’est autre chose ». Pascal Maillou se réjouit aussi de la future piscine en construction et de la proximité du stade.
Le socle sur lequel s’est bâti cet homme était solide. Fils de parents ouvriers qui ont travaillé à l’imprimerie Aubin, au sud de Poitiers, et pour qui la valeur travail était centrale, quatrième d’une famille de huit enfants, il y a aussi acquis celle de la fraternité, puisque, très jeune, il a dû s’occuper de ses frères et sœurs. « Depuis, je sais tout faire », dit-il en riant. Il a développé par ailleurs une appétence pour les autres cultures et une rigueur intellectuelle. L’homme a eu de nombreuses vies avant de débarquer dans le 18e, l’enseignement agricole, un poste de maire adjoint… Possédé par l’écriture et la poésie, il a monté deux spectacles et, aujourd’hui encore, écrit des chansons.
Le lycée hôtelier, une vocation
C’est au lycée hôtelier de Civray, où il atterrit, qu’il attrape le virus de ce type d’établissement. « Le rapport direct m’a beaucoup plu. Le lycée hôtelier, c’est la vie. » En 2015, à 50 ans, c’est le grand saut : le voilà pour quatre ans à Tahiti où il s’immerge dans la culture polynésienne, alors que rien ne l’y prédisposait. Il y dirige « l’un des plus gros lycées hôteliers de la République française ». Un établissement à faire rêver, avec un hôtel de vingt chambres donnant sur le lagon, trois restaurants, une boutique. Souhaitant valoriser les Polynésiens sur le plan professionnel, il y développe la participation au concours de meilleur apprenti de France. Pour lui, c’est l’occasion de vanter le système des lycées publics hôteliers français enviés dans le monde, présents dans toutes les régions et offrant des formations qui s’appuient sur la gastronomie régionale. Et où des clients aux revenus modestes peuvent venir, comme au lycée Belliard où il est heureux de voir des gens simples s’attabler régulièrement pour des menus semi gastronomiques.
Un tandem complémentaire
C’est grâce à Mohammed Tahrat, son proviseur adjoint, grand connaisseur de l’arrondissement et Parisien dans son for intérieur, qu’il a pu faire « un stage accéléré sur Paris et le 18e ». Pascal Maillou l’appelle « le chef-adjoint ». « On s’est très vite très bien entendus » approuve aussi Mohammed Tahrat en souriant, quand le proviseur confirme : « On s’est bien trouvés. C’est très agréable d’avoir un tel compagnonnage. » L’adjoint souligne le professionnalisme de Pascal Maillou : « C’est un fonceur, qui agit et pense vite, très agile intellectuellement. Il a le souci du confort de tous. » Comme le confirme Chantal Poïnama, agent d’accueil du lycée depuis vingt ans : « Très à l’écoute, très réactif, très humain il a fait repeindre les classes, arranger la cour, refaire le foyer des élèves, autorisé un petit jardin ». Jardin qui comprend un potager, une ruche, de la vigne et que le proviseur souhaite développer.
Il pense que sa fonction doit être fortement incarnée et cette idée, il l’applique aussi à la gestion de l’établissement. Il prône un management participatif fondé sur la confiance et la bienveillance, permettant à chacun de valoriser ses capacités. L’homme se sent « chef d’orchestre même si ce n’est pas lui qui fait la musique ». Surtout Mohamed Tahrat apprécie qu’il soit « bien campé sur ses valeurs, qu’il place très haut et ne cède pas sur les principes républicains, tout en étant compréhensif, souple et pragmatique ».
La fraternité, ça s’entretient
Pour Pascal Maillou « il faut donner sa chance à chacun, quels que soient son milieu, sa religion, son sexe… Et donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Face à l’inégalité des chances, il faut une discrimination de moyens pour rattraper le coup, instaurer une équité pour qu’il y ait une égalité de destin. » Cela suppose aussi de croire en la jeunesse. Pour lui, la fraternité n’est pas accessoire, ça s’entretient, ça donne du liant et pour cela il faut une estime réciproque. Il ne supporte aucune forme de racisme qui pour lui, serait une façon de nier une partie de soi-même, de sa propre humanité« . Il est fier d’annoncer que les élèves du lycée sont issus de quarante pays des cinq continents et que 40 % des élèves sont de nationalité étrangère. La laïcité est centrale dans son credo : »La classe est un espace magique et sacré.« Pour ce fils d’ouvriers, l’école est là pour émanciper, loin des façons de penser imposées. Il ne faut pas »de signes ostentatoires, qui réduisent les êtres à un destin tout tracé, leur religion, leur ordre social … C’est à l’individu de choisir.« Aujourd’hui, le nouvel objectif de cet homme qui, selon Mohammed Tahrat »n’a jamais le cerveau au repos" est de promouvoir le lycée Belliard pour les prochaines décennies. L’établissement vient de décrocher le label de premier lycée de France des métiers de la gastronomie durable. Et avec lui, il veut faire rayonner le 18e. Mais c’est une autre histoire à raconter.
Photo : Thierry Nectoux