Un balcon ou un jardin à verdir et pas beaucoup de moyens ? Ou marre d’acheter des plantes importées des quatre coins du monde, « poussées » sous serres chauffées et ayant parcouru des milliers de kilomètres avant d’arriver chez nos fleuristes ?
La solution pourrait bien venir des pépinières de quartiers qui fleurissent actuellement un peu partout. C’est exactement le projet de Morgane et Juliette, qui ont créé l’association Racines, pépinière engagée, dans le but de développer un chantier d’insertion pour des personnes précaires. Elles constatent en effet « chaque jour le bénéfice thérapeutique du jardinage » grâce à une pépinière de quartier sociale et écologique... dans le 20e arrondissement. Une implantation rendue possible avec l’appui de Paris Habitat où elles pourront mettre à profit leur expérience de terrain acquise sur les différents chantiers d’insertion auxquels elles ont participé dans leur vie professionnelle de travailleuses sociales.
Mais alors quel lien avec le 18e nous direz-vous, hormis le fait qu’elles y habitent toutes les deux, c’est que malgré le soutien de la Fondation du Crédit coopératif, elles ont peu de moyens financiers et pas de plantes pour démarrer leur projet. Quelqu’un leur parle des poubelles de cimetières et l’idée d’y récupérer les plantes jetées (et les pots, très souvent en plastique) pour les revendre à prix libre se fait jour. Elles proposent tout d’abord leur idée au conservateur du cimetière Montmartre « qui est d’accord pour faire une expérimentation avec des poubelles sélectives » mais « ça coince à la direction des espaces verts de la Mairie centrale ». Question : la Mairie de Paris serait-elle moins en pointe sur la valorisation des déchets que la ville de Stains qui elle, a accepté le projet de nos deux futures pépiniéristes avec enthousiasme (elles viennent d’ailleurs d’y démarrer la construction de bacs de tri en bois de récupération) ?
Au-delà des fleuristes
Pas découragées pour autant, elles étendent la panoplie de leurs « fournisseurs ». Quelques fleuristes, même si « certains sont réticents car ils ne veulent pas s’avouer qu’ils jettent beaucoup » et la jardinerie Truffaut, leur cèdent leurs invendus tandis qu’un magasin de luxe des Champs-Elysées les appelle pour leur proposer les plantes de sa vitrine. Un hôtel rue de Rivoli propose de leur donner les orchidées régulièrement remplacées dans ses chambres haut de gamme.
Elles ont finalement réussi à mettre un pied dans les cimetières via un partenariat avec Funecap (prestataire qui fleurit les tombes des familles éloignées), chez qui elles vont chercher, dans leurs locaux à Montreuil, les plantes retirées des tombes.
Après un petit toilettage et un rempotage si nécessaire, les plantes rescapées reprennent vie et Juliette et Morgane les installent régulièrement sur leur table devant la Vieille Pie, le Poulpe et maintenant la Bioqueria pour les proposer à la vente. Les passants sont curieux des plantes, Juliette et Morgane leur répondent avec compétence après une solide formation à l’agriculture urbaine avec Veni Verdi (voir Le 18e du mois n° 296) et Pépins productions (elles sont partenaires du Réseau national des pépinières de quartier) et elles sont heureuses de permettre à des personnes ayant peu de moyens d’acquérir des plantes à prix libre. Elles notent avec plaisir et amusement que « les gens reviennent et donnent des nouvelles de leurs plantes »…•
Photo : Racines