Avant de le manger par la racine, ne nous refusons pas de le consommer en délicieuses salades et de lui voler ses vitamines. Sans oublier ses vertus gommeuses qui pourraient bien relancer la production de pneus.
Les pissenlits, Taraxacum en latin, sont des plantes vivaces à racines pivotantes qui s’incrustent jusque dans les fissures des trottoirs de notre arrondissement. Mieux vaut ne pas les manger par la racine, selon l’expression consacrée ! Pourtant, le pissenlit est un trésor de bienfaits.
Pour les animaux d’abord : ses nombreuses fleurs, réunies en capitules caractéristiques de la famille des astéracées (ex-composacées) sont parmi les premières à être visitées par les abeilles au printemps. Ensuite, les infrutescences, célébrées par M. Larousse, libéreront des centaines de graines qui s’envoleront, portées par leurs « parachutes ascensionnels », pour donner naissance à de nouveaux plants. Sauf si les dites graines sont dégustées avant par les petits passereaux granivores qui en raffolent : moineaux, verdiers, chardonnerets, pinsons, linottes ou serins cinis ! D’autres bestioles s’intéresseront au feuillage, tel le lapin, le lièvre ou même la tortue, notamment dans le sud de la France. Le dent-de-lion, comme on l’appelle parfois, est aussi la plante hôte de la chenille d’un papillon, le sphinx du pissenlit, et de coléoptères, les meligethes.
Le « caoutchouc de pissenlit »
Pour les humains, les feuilles des pissenlits – très riches en vitamine C, bêta-carotène, fer, calcium et manganèse – sont délicieuses en salades rustiques avec quelques fleurs de bourrache et pétales de capucines. Comme son nom nous le laisse subodorer, le « pisse au lit » est également diurétique.
Durant l’hiver on peut récolter les racines qui se mangent crues, bouillies ou revenues à la poêle. Comme les boutons floraux du câprier, ceux du pissenlit sont aussi consommables après conservation dans le vinaigre ou le sel. On peut également préparer un sirop ou un vin en utilisant seulement les parties jaunes des capitules. Si la plante est prélevée dans un pâturage, comme aux Jardins d’Eole… attention ! Elle peut être contaminée par la douve du foie, un ver plat parasite des ruminants qui est susceptible de se transmettre à l’homme.
Enfin, une utilisation inattendue de la plante devrait faire bientôt son apparition dans notre vie quotidienne. En effet, dès le début du XXe siècle une variété orientale de pissenlit, le kok-saghyz, a été exploité en Russie pour son latex (permettant la production de caoutchouc). En 1941, 67 000 hectares de cultures étaient consacrés par les Soviétiques à ce « pissenlit gommeux ». Après un certain oubli, ce « caoutchouc de pissenlit » appelé Taraxacum, récolté sur des plantes transgéniques, va retrouver une seconde jeunesse et entrer dans la composition de pneus ou de semelles de chaussures. Poussant dans les régions tempérées, cette culture pourrait limiter celle de l’hévéa qui produit le caoutchouc traditionnel et est responsable de la déforestation dans les pays tropicaux. Alors, qui dit mieux que le pissenlit en matière de bienfaits ?•
Photo : Jean-Claude N’Diaye