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février 2023 / Le dossier du mois

Écoliers sans domicile. Des enfants dans l’impasse

par Joachim Jarreau

Les enfants sans logement, ou en hébergement précaire, sont nombreux cet hiver dans les écoles de l’arrondissement. L’hébergement d’urgence étant saturé, ces familles ne se voient plus proposer de solution de logement en région parisienne.

Le collectif Une école un toit – Paris 18, qui regroupe des parents d’élèves d’une quinzaine d’établissements (maternelles et écoles primaires), recensait, à la mi-janvier, trois familles à la rue et six autres dormant dans des bâtiments publics, gymnases ou écoles ; tandis que près de 90 autres familles se trouvaient en hôtel social ou en centre d’hébergement. Au total, ces enfants représentent environ 7 % des effectifs des écoles concernées.

A l’exemple de deux enfants de l’école de la rue Cavé, dont les familles dormaient pour l’une dans une cage d’escalier, pour l’autre dans la gare du Nord. L’affaire a été révélée en décembre dernier. Des parents d’élèves avaient alors aidé ces familles à saisir le juge des référés pour obtenir un véritable toit. Le juge a enjoint la préfecture d’héberger les familles, mais l’État a immédiatement fait appel de cette décision, et obtenu gain de cause devant le Conseil d’État. Ce qui avait fait grand bruit parmi les associations et dans les médias. Si les deux familles sont à présent à l’abri, cette décision rend difficile l’utilisation de ces procédures en « référé liberté » par d’autres requérants (sauf dans des cas particuliers de vulnérabilité), à l’avenir.

Des besoins en plus, des places en moins

Selon Pierre Yvain Arnaud, adjoint (EELV) au maire du 18e en charge des solidarités, la situation est inédite par son ampleur : « Avant, les cas de familles à la rue étaient vite traités : on obtenait des places au bout de deux, trois jours. Depuis cet été, on voit les délais s’allonger. » En cause, la diminution des places d’hébergement d’urgence, de nombreuses places ouvertes pendant la crise Covid ayant été depuis soustraites au dispositif. Dans le même temps, les besoins ont augmenté.

Pierre Yvain Arnaud assure que la Mairie est très mobilisée sur le sujet, pour alerter les services de l’État (dont c’est la prérogative) sur les situations les plus graves, et « harceler » le Samu social pour obtenir des places. La MUS, mission d’urgence sociale, a été créée dans ce but. L’adjoint souligne aussi que la concentration de cas dans le 18e s’explique en partie par la politique de la Mairie, qui accepte les inscriptions scolaires d’enfants sans domicile, ce qui ne serait pas le cas dans d’autres arrondissements et communes franciliennes. Sarah Vezzoli, qui coordonne le collectif Une école un toit - Paris 18, reconnaît que la Mairie apporte un soutien sur ces dossiers. Elle pointe en revanche un engagement variable des directeurs d’écoles, qui, par ailleurs, sont parfois réticents à signaler ces cas et à communiquer des informations aux parents d’élèves. Souvent, les parents découvrent par hasard des situations qui durent depuis des semaines.

Des orientations déstabilisantes

Ces familles, en général étrangères et parfois en situation irrégulière, se voient désormais proposer systématiquement des hébergements en dehors de l’Ile-de-France, souvent très loin, et avec un délai minimal pour se décider : les bus partent le soir même pour évacuer les gymnases et les informations fournies sur la destination précise et sur ce qui attend les familles sur place, sont minimales. Le collectif dénonce des orientations qui ne tiennent aucun compte de la situation scolaire des enfants, alors que leur intégration dans une classe est un élément crucial de leur développement. En cas de refus de la solution proposée, les familles se voient privées de l’accès aux hébergements du Samu social. Si l’orientation en province se justifie, dans un contexte de saturation de l’hébergement parisien et francilien, la méthode interroge. M. Arnaud souligne également l’importance du suivi social déployé autour de ces familles dans l’arrondissement et doute que les familles trouvent le même soutien dans leurs nouvelles communes d’accueil. On touche là à l’absence de coordination entre Ville et Etat, dont les familles font les frais.

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