Davantage de végétalisation, de zones piétonnes, de pistes cyclables ou encore de mobilier urbain adapté aux nouveaux usages, tel est l’objectif. Mais le débat sur le tourisme de masse qui génère nombre de problèmes fait défaut.
Lancée l’an dernier à la Goutte d’Or par la Mairie de Paris, l’opération Embellir votre quartier est appelée à s’étendre à seize autres sites. A Montmartre, le conseil de quartier du 11 janvier dernier a permis de rappeler les grandes lignes du projet, via l’adjoint au maire du 18e chargé des mobilités, de la voirie et de la transformation de l’espace public, Antoine Dupont.
Afin « d’apaiser la circulation sur la Butte » et de permettre le développement des déplacements « cyclables », certaines rues deviendront piétonnes : rue de Steinkerque, la rue Lepic entre le boulevard de Clichy et la rue Coustou, notamment. Une aire piétonne « ouverte » est également proposée autour de la Butte, cernée par les rues Caulaincourt, du Cardinal Dubois, Gabrielle, la place Jean-Baptiste Clément, les rues Norvins et Girardon. Un tiers environ des places de stationnement sera supprimé (rue des Martyrs mais aussi sur une portion de la rue d’Orsel, rue Charles Nodier ou encore rue Livingstone) et le plan de circulation sera modifié. Les véhicules supérieurs à un certain tonnage ne pourront plus accéder à Montmartre et les horaires de livraison seront limités. La plantation d’une centaine d’arbres permettra de lutter contre les îlots de chaleur.
Le budget alloué à l’ensemble de cette opération s’élève à 5,5 millions d’euros. A lui seul, le financement spécifique prévu pour « l’apaisement de la Butte » représente près d’un tiers du budget, concentré sur la rue Lepic (dont notamment plus d’un million d’euros dans la partie basse de cette rue pour la plantation d’arbres et la création de jardinières).
Faire respecter les règles
La cinquantaine de participants au conseil de quartier était invitée à rejoindre l’une des quatre tables rondes portant sur la propreté, la circulation, le tourisme/patrimoine et la végétalisation. Dans chacune d’elles, un élu de l’arrondissement répondait aux demandes. Dans le groupe tourisme/patrimoine, la disparition des commerces de bouche remplacés par des boutiques de souvenirs et/ou des magasins haut des gamme, l’invasion des trottoirs par les terrasses de restaurants et bars, le bruit des hauts-parleurs à des heures parfois très tardives, la saleté ont été une nouvelle fois évoqués... Une situation bien connue de la Mairie car l’Association de défense de Montmartre et du 18e (ADDM), dont plusieurs membres participaient à ce groupe, en fait régulièrement part aux élus.
Plusieurs habitants du quartier ont souligné la nécessité d’un contrôle renforcé de la réglementation existante. Et souhaité l’instauration d’une politique d’autorisation des commerces, seul moyen permettant à Montmartre de redevenir un quartier où il fait bon vivre.
La possibilité d’une limitation du flux touristique, à l’instar de pratiques instaurées dans d’autres villes européennes, a également été proposée. « La question du tourisme à Montmartre, estime Emile Meunier, conseiller de Paris référent du conseil de quartier Montmartre, délégué auprès du maire du 18e chargé de l’économie sociale et solidaire, doit être replacée dans le contexte d’une économie mondialisée et libérale, rendant difficile la régulation municipale dans certains domaines, comme celui des implantations commerciales. » Il a ensuite estimé que les résultats de la politique de limitation des locations de type Airbnb menée par la Ville de Paris étaient très positifs.
Des inquiétudes
S’agissant de la circulation, les préoccupations des professionnels et de certains riverains se sont aussi manifestées au sein du groupe. La limitation des livraisons peut-elle ne pas gêner les commerces ? Comment feront les habitants ayant besoin d’une voiture pour se déplacer ? Antoine Dupont souligne « qu’il ne s’agit en aucune façon d’interdire aux riverains l’accès de leur domicile. La plupart des secteurs seront mixtes : les mobilités douces y coexisteront avec le passage, dans certaines conditions, des véhicules de livraison et des voitures des habitants du quartier. »
A ce stade, de nombreuses inquiétudes et incertitudes subsistent : les bars et restaurants ne vont-ils pas accroître encore leur emprise sur la voie publique via les zones piétonnes ? Comment éviter la création de points d’engorgement automobile provoqués par la raréfaction des voies accessibles ? Comment s’effectuera le contrôle de la réglementation, identifié comme un des points clefs pour améliorer l’état du quartier ? De quels moyens humains disposera la Mairie pour entretenir les nouveaux arbres ? Où les résidents pourront-ils stationner leur voiture ?
Des réponses seront apportées à toutes les questions posées, ont indiqué les élus présents. « En effet cette réunion ne constitue qu’une étape dans la concertation, explique Antoine Dupont. Les services de la Mairie vont maintenant travailler sur la faisabilité, eu égard aux contraintes techniques, des différents projets relatifs à l’aménagement du quartier. Les résultats seront présentés et discutés avec les habitants lors de réunions ultérieures. »
Cette perspective devrait rassurer certains résidents qui se déclarent satisfaits de « l’écoute patiente et bienveillante » des élus participants à ce conseil de quartier. Mais se demandent aussi si leurs propos sont toujours entendus...
On constate en tout cas que le surtourisme semble à l’origine de la plupart des problèmes actuels. Comment un projet voulant « l’apaisement » de Montmartre pourrait-il faire l’économie d’une réflexion sur le type de tourisme que l’on souhaite y trouver ? Il faudra bien avoir ce débat au conseil de quartier... et aussi dans d’autres instances.