Un mois après la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, La Boussole nous a ouvert ses portes pour nous expliquer comment elle tente de diagnostiquer précocement ce trouble du neurodéveloppement.
A quelques mètres des grilles de l’hôpital Bichat — bâtiment immense qui fourmille de patients et de blouses blanches — une petite dépendance isolée respire la tranquillité. Comme protégée par un cerisier en fleurs qui précède la porte d’entrée, cette maisonnette héberge La Boussole, une plateforme de diagnostic autisme de proximité (PDAP). Elle s’adresse à des enfants de 2 à 6 ans, domiciliés à Paris et présentant ce qui pourrait s’apparenter à un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Reconnu comme handicap en France depuis 1996, l’autisme rassemble quatre types de troubles : des difficultés de communication verbale et non verbale, des difficultés d’interaction, des comportements répétitifs et des particularités sensorielles comme des hypersensibilités. Voilà ce que traquent les professionnels de santé de La Boussole, dont l’objectif est de poser un diagnostic précoce afin que les enfants soient pris en charge le plus tôt possible. « C’est important car on a encore trop souvent des adultes qui apprennent tardivement qu’ils sont porteurs d’un trouble du neurodéveloppement (TND) et s’ils l’avaient su plus tôt, ça aurait été quand même plus simple pour eux », constate Thibault Butel, médecin à La Boussole. Pédiatre de formation, il rappelle aussi qu’il existe chez les enfants une plasticité neuronale : « Plus on est petit, plus on peut moduler et modifier les circuits neuronaux et atténuer les symptômes. Néanmoins, c’est important d’avoir en tête qu’on ne guérit pas vraiment de TSA, on apprend à vivre avec. » Mais, avant d’essayer de cohabiter avec l’autisme, encore faut-il être diagnostiqué. Pour ça, La Boussole a mis en place un parcours fléché qui peut durer jusqu’à plus de vingt heures.
Docteur Butel et Madame Irma
Souvent orientées par un médecin traitant ou par l’école de leur bambin, les familles sont d’abord amenées à remplir un questionnaire bien précis qui permettra à une commission de valider ou non un rendez-vous médical avec l’enfant au sein de La Boussole. « Cette première consultation spécialisée avec un médecin dure au moins une heure et demie, explique Valérie Chevalier, directrice adjointe de la plateforme gérée par l’association Hovia. De là, il est présenté à l’équipe et afin de le voir dans son environnement, on met en place une visite d’observation à l’école, à la maison, à la crèche ou à la halte garderie. Ensuite, il y a deux rendez-vous avec la psychologue pour passer des tests, un avec une orthophoniste et un autre avec une psychomotricienne. » À la fin de ce processus, qui s’étale sur trois à quatre mois, les médecins de La Boussole rédigent un bilan qui les conduit à poser un diagnostic, communiqué aux familles lors d’un dernier rendez-vous de plus d’une heure. « À l’issue de celui-ci, notre but est de donner le plus de clés possible aux parents, notamment pour anticiper les différentes orientations, explique Thibault Butel, également médecin à la plateforme d’orientation-coordination (PCO) de Hovia, dans le 15e. Mais sans pour autant jouer les Madame Irma et s’aventurer sur des choses dont on n’a pas de certitudes, car on a affaire à des enfants qui sont dans une pleine période de développement, donc sujets à des évolutions parfois difficilement prédictibles à 100%. » »
Un accompagnement post-diagnostic
Une fois le bilan rédigé et le diagnostic posé (ou pas), le travail de La Boussole ne s’arrête pas là. « Ce qui a évolué, c’est l’accompagnement post-diagnostic car ça peut être violent pour les parents. On est dans le 18e, on a donc pas mal de familles qui ont besoin d’être aidées dans la suite de leurs démarches administratives, explique Valérie Chevalier. Pour ça, on a créé un poste d’assistante sociale et mis en place un fonctionnement post-diagnostic. Toutes les familles sont appelées par une psychologue quinze jours après le bilan, pour voir où elles en sont, ce qu’elles ont compris de la consultation, ce qu’elles comptent faire et ce dont elles ont besoin. » L’assistante sociale de la plateforme peut ensuite prendre le relai, en aidant par exemple les familles à monter un dossier MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), indispensable pour prétendre à des aides et des accompagnements.
À la fin de l’année 2023, soixante-sept restitutions ont eu lieu et vingt autres seront réalisées d’ici quelques semaines. Derrière ces chiffres, un délai encore important pour les familles, puisqu’il faut attendre au moins six mois avant d’espérer avoir un premier rendez-vous à la plateforme de diagnostic autisme de proximité du 18e. « À mon arrivée, il y avait dix-huit mois d’attente, se rappelle la directrice adjointe. Mais entre-temps, une seconde PDAP a ouvert dans le sud de Paris, ce qui a permis de réduire ce délai. » En parallèle, les enfants de mois de deux ans sont régulièrement redirigés vers l’hôpital Robert-Debré (19e) et son unité de détection précoce pour très jeunes enfants. Puis, à l’image de celui de Marx Dormoy, les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ont eux aussi parfois les équipes pour poser des diagnostics de certains TND, même si l’attente est souvent longue. Enfin, point bonus pour notre arrondissement puisque sa communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) développe depuis 2023 un projet sur les TND avec la maison de santé Épinettes Grandes-Carrières.
Phot : Maxime Renaudet