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septembre 2023 / La vie du 18e

Nogo TV : le 18e vu de l’intérieur

par Catherine Masson, Sylvie Chatelin

En réaction à « tout ce qui se dit de négatif sur l’arrondissement », Ali Meziane et Justhyss ont créé leur propre « média audiovisuel, de proximité et participatif ». Il se nomme Nogo TV, un clin d’œil à peine déguisé, au titre méprisant lancé par Fox News en 2015 sur les « no-go zones ».

« Dans le 18e pour le 18e. » Tiens, tiens, voilà un motto* qui ressemble furieusement à celui du 18e du mois, « Pour les habitants, par les habitants ». Nogo TV se veut, nous disent ses créateurs, le « journal des bonnes nouvelles, pour comprendre et raconter le 18e qu’on aime, au travers de reportages, des récits de vie et à travers le regard des gens qui y habitent ».Le projet a démarré en 2019, mais l’association du même nom est créée en 2020 (une dizaine de membres aujourd’hui). Ali et Justhyss se sont rencontrés au Lieu d’accueil innovant (LAI) sur l’esplanade Nathalie Sarraute. Ali, vidéaste/monteur vidéo depuis 2014, y filme leurs événements. Justhyss, un enfant de La Chapelle, y intervient comme prestataire après avoir fréquenté Espoir 18 et fait une école de cinéma en tant qu’auteur-réalisateur.

Constituée comme un vrai media avec rédacteur en chef et reporters terrain, la web TV démarre bien au début avec des bénévoles qui s’initient à la prise de vue, à l’interview lors d’émissions débat, des reportages, des portraits d’habitants ou des micro-trottoirs. Ils ont ainsi réalisé un portrait en trois parties de Cebos Nalcakan, (très bon) photographe qui « a le 18e dans le sang et habite à la Goutte d’Or », un reportage sur les distributions alimentaires de la Table ouverte à la Goutte d’Or et sur la fête de Ganesh à La Chapelle ou interrogé des habitants lors du deuxième tour des élections présidentielles.

Mais très vite, Ali et Justhyss se trouvent confrontés au manque de compétences techniques des bénévoles et comprennent qu’il est nécessaire de les former à la vidéo, à la rédaction. Ils assurent le montage très chronophage, « qui reste une question de sensibilité » et pour lequel ils envisagent d’engager un monteur professionnel. Ils recherchent actuellement des subventions au titre de média de proximité pour le rémunérer. Cela leur permettra de traiter des sujets d’actualité, qui nécessitent d’être montés et diffusés rapidement.

Formation de la relève

Ils collaborent avec le centre Paris Anim’ Rachid Taha boulevard de La Chapelle où ils animent un atelier de deux heures tous les samedis auprès de jeunes de 14 à 17 ans. Il s’agit de « leur apprendre à filmer, écrire les sujets, mener des interviews et monter ». Car le duo de vidéastes souhaite également « transmettre, susciter des vocations » et a bon espoir que « dans cinq ou dix ans, les jeunes reprendront et continueront No Go TV ».

Gabriel, 14 ans, passionné d’aéronautique, cherchait une activité pas trop loin de chez lui. Arrivé en cours d’année, il a déjà participé à plusieurs vidéos : l’équipe de basket Lapelcha, la laiterie de La Chapelle et l’interview d’un jeune migrant qui leur a raconté son parcours et son pays qu’il a dû fuir à 14 ans. ça lui « a beaucoup plu car ça permet de montrer un autre aperçu du 18e  ». Comme les trois autres participants de l’atelier, il a appris « à cadrer, à mener un interview, à mettre des images intéressantes ». Il se réjouit du court-métrage qu’ils projettent de réaliser l’an prochain, de l’écriture du scenario au montage, mais ne se voit « pas trop faire ça plus tard mais plutôt continuer à le faire comme une passion ». Contrairement à Rayan, 18 ans, qui vient de passer son bac, se forme sur le tas et envisage des études de vidéaste (il cherche une école pour la rentrée). Il aimerait en faire un métier « mais les obstacles sont loin d’être franchis ».

Sur le terrain

Nogo TV était présente à la fête Chapelle sur Seine en juin et en août dans le parc Chapelle Charbon avec Rayan (voir photo), où, par un temps automnal, ils filmaient une animation présentée par l’association Quartier Lud qui propose des jeux pour enfants sur l’espace public : billard, tir à l’arc, échecs ou jeux de construction en bois particulièrement appréciés des enfants.

Ali et Justhyss interviennent également en école primaire, dans les collèges pour des projets internes mais qui, pour des questions de droit à l’image des enfants, ne peuvent être diffusés à l’extérieur. Ils s’emploient aussi à se développer dans les quartiers où ils ne sont pas encore présents (Montmartre, Clignancourt), à monter des collaborations avec d’autres associations, la web radio RaPtz, les différents centres Paris Anim’ ou Hub 18 rue de la Charbonnière qui leur prête du matériel. Mais leur grand chantier en cours, c’est la création de leur site web qui deviendra leur plateforme de diffusion et qui hébergera toutes leurs vidéos. •

Photo : Jean-Claude N’Diayé

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