mai 2024 / Clignancourt - Jules Joffrin
Agathe Burda : touche pas à ma mosaïque [Article complet]
À l’angle de la rue Ramey et de la rue du Baigneur, une magnifique mosaïque attire le regard des riverains, des passants, et des touristes du monde entier. Pour la protéger, la sculptrice Agathe Burda souhaite la faire classer.
Sur les murs de cette ancienne poissonnerie, côté rue du Baigneur, un magnifique pêcheur, ciré rouge, cuissardes et suroît sur la tête, relève ses filets dans sa barque pendant que des mouettes volent autour de lui, prêtes à lui chaparder sa pêche du jour. Côté Ramey, un phare précédé d’un amas de rochers. Une œuvre réalisée avec des milliers de tesselles dont malheureusement beaucoup sont cassées, se décollent ou sont déjà tombées, la mosaïque se dégradant par conséquent inexorablement. Agathe Burda, artiste plasticienne, occupe cette ancienne poissonnerie depuis 2003. Elle l’a achetée à Claude Devers, membre du syndicat d’initiative de Montmartre, qui hésitait d’abord à la vendre, avant d’être convaincu par le profil d’Agathe. Après de gros travaux, la poissonnerie et le local adjacent — une ancienne laverie — ont été réunis, remis en état et servent maintenant d’atelier à Agathe Burda.
Demande de protection
Au départ, l’artiste montmartroise a bien sûr été séduite par la mosaïque qui orne les murs, parfait accord avec ses sculptures de chats et de cochons fantaisistes que l’on peut admirer dans ses vitrines. Mais elle se désole de la voir s’abîmer et souhaite la « faire classer afin d’en assurer la pérennité », craignant qu’à son départ, le futur acheteur n’aura pas ses scrupules et sa sensibilité artistique et qu’elle « subisse le même sort que celle de la rue Nicolet », à deux pas de son atelier. Mosaïste elle-même, Agathe ne veut cependant pas y toucher car il est nécessaire de refaire le fond de l’œuvre dans les règles de l’art. Elle préfère donc pour l’heure « ne rien faire plutôt que l’abîmer » ; et de son côté, la copropriété n’a pas les moyens d’investir dans une remise en état qui s’avère coûteuse.
Alors, il y a deux ans déjà, Agathe Burda a décidé de tout faire pour la protéger. D’abord en faisant signer une pétition papier dans son atelier pour « une proposition de protection patrimoniale en faveur de la mosaïque ». À ce jour, la pétition a recueilli seulement 90 signatures. Initialement réfractaire aux outils informatiques, l’artiste va cependant bientôt passer à la vitesse supérieure avec une version en ligne qu’elle adressera ensuite à la Mairie du 18e arrondissement. Elle a également fait appel à Bertrand Monchecourt, architecte du Vieux Montmartre et président de l’Association Montmartre patrimoine mondial pour son expertise et attend son retour.
Appel à témoins
En parallèle, elle tente maintenant de faire inscrire ou classer la mosaïque au titre des monuments historiques auprès de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Mais pour cela, Agathe Burda doit fournir un dossier technique pour lequel il lui manque des éléments. Et pas n’importe lesquels puisque la mosaïque, qui date des années 1930, n’est malheureusement pas signée, la propriétaire des lieux ignorant donc le nom de l’artiste ou de l’artisan qui l’a réalisée. De notre côté, une recherche rapide sur internet n’a rien donné de probant. Mais peut-être que parmi nos lecteurs et lectrices, il va se trouver quelqu’un ou quelqu’une qui en sait plus. Historien, curieux ou habitant du quartier, n’hésitez pas à nous faire part de vos témoignages que nous transmettrons à Agathe. Une affaire à suivre, donc, pour que subsiste dans cette rue Ramey, que Le Parisien qualifiait en avril de « petit Oberkampf au pied de Montmartre », un peu de son aspect populaire. •
Phot : Jean-Claude N’Diaye