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novembre 2020 / La vie du 18e

Après le plu, le beau temps ?

par Dominique Gaucher

Le prochain PLU sera participatif… Enfin, en théorie. Une conférence citoyenne a été organisée en octobre pour recueillir les propositions d’une centaine de Parisiens sur ce sujet éminemment technique. Une démarche qui soulève quelques interrogations.

Inscrire Paris sur une trajectoire de transition écologique constitue notre priorité. L’adoption d’un PLU bioclimatique constituera un levier essentiel à cette fin. « Au Conseil de Paris des 23 et 24 juillet derniers, la maire annonçait en ces termes la révision du plan local d’urbanisme (PLU). Elle sollicitait également l’accord des élus sur »le lancement d’une “conférence citoyenne”... mobilisation de l’intelligence collective des Parisiennes et des Parisiens, au travers d’une démarche participative innovante".

Destinée à « recueillir en amont les attentes des citoyens et des citoyennes, sur le sens qu’il convient de donner à la remise à plat de notre document d’urbanisme », cette conférence fait appel à une centaine de personnes « concernées par l’urbanisme parisien ». Ce panel d’habitants doit comprendre « femmes et hommes à parité, résidents et/ou usagers de la capitale, représentatifs de la diversité économique et sociale des ménages de Paris et de la métropole, telle qu’elle peut être appréhendée au travers des critères d’âge, de CSP, de domicile, de taille des familles, etc. ».

Leur recrutement a été confié à une agence de sondages, Avenir Focus, spécialisée dans le recueil des avis de consommateurs lors du lancement d’un nouveau produit. Et comme « c’est parce que votre avis compte qu’il vous rapporte », précise le site internet de l’agence, les donneurs d’avis reçoivent « un dédommagement versé sous forme d’un chèque, d’un virement bancaire ou d’un bon cadeau qui ne constitue pas une rémunération mais une indemnisation. » Pour la conférence sur le PLU, il s’élève à 80 € par jour.

Une journée de formation

L’organisation de la consultation a été, elle, confiée à un autre partenaire, Etat d’esprit Stratis. Depuis trente ans, cette agence de communication « facilite l’action publique », lit-on sur son site. En l’occurrence son rôle a été d’organiser, en lien étroit avec la Mairie de Paris, les trois journées de la conférence. La présentation des aspects techniques du PLU a été
assurée par la direction de l’urbanisme de la Ville et l’Atelier parisien d’urbanisme. Leurs représentants sont notamment intervenus lors de la première journée, dite de formation, et de la seconde pour accompagner et commenter les visites sur sites. Des spécialistes du logement comme Paris Habitat, la fondation Abbé Pierre et un think tank spécialisé dans l’urbanisme ont aussi été conviés aux débats. Deux collaborateurs d’Etat d’esprit ont aidé les participants à formuler leurs propositions lors de la synthèse des discussions.

Des habitants volontaires

Nabil est l’un des Parisiens sollicité pour participer à cette consultation. Agé de 39 ans, Parisien de naissance, cet habitant de la Goutte d’Or, se définit comme « engagé socialement ». Il participe notamment à des actions d’entraide et de soutien professionnel. « J’ai été content d’être convié à cette consultation qui me donnait l’occasion de proposer des améliorations pour rendre la ville plus agréable. Je vis dans un quartier où la vie quotidienne n’est pas toujours facile. J’ai constaté que certains espaces de loisir sont mal adaptés à nos besoins. Père d’une petite fille de deux ans et demi, je suis frappé par l’inadaptation des aires de jeux dédiées aux jeunes enfants, notamment avec l’évolution actuelle du climat. L’utilisation des espaces verts à Paris mériterait, me semble-t-il, d’être améliorée. Quand la température devient caniculaire, les parcs devraient rester ouverts plus longtemps comme dans d’autres capitales européennes. »

Au terme des trois réunions prévues pour le déroulement de la conférence, Nabil semble quelque peu sceptique. Il a participé au groupe de travail portant sur le sujet « Espace urbain et mobilités ». Lors de la dernière réunion, samedi 17 octobre, les quinze participants de ce groupe devaient formaliser cinq propositions qu’ils estimaient devoir être prises en compte dans l’élaboration du PLU. « Nous avons eu la matinée pour les finaliser, soit trois heures. C’est peu... ! D’autant que nous n’avions pas discuté ensemble auparavant. Nous avons désigné des rapporteurs pour présenter ces recommandations l’après-midi avant de voter sur l’ensemble des propositions. Elles ont toutes été adoptées. »

La prochaine étape se déroulera au Conseil de Paris, le 10 novembre prochain. Les rapporteurs désignés le 17 octobre présenteront aux élus les propositions élaborées par la conférence citoyenne. Celles-ci apparaissent si consensuelles et d’ordre général que l’on conçoit mal comment elles pourraient être refusées !

Michel, un autre habitant du 18e, ingénieur retraité, a aussi participé à la consultation citoyenne. Il a été orienté sur l’atelier « habitat/solidarité » . « Cette thématique, indique-t-il, consiste à prendre en compte les besoins considérables en matière d’habitat social. Ils concernent l’offre d’appartements peu chers et de logements aux loyers intermédiaires. A Paris, il y a dix fois plus de demandes que d’offres. Mais l’articulation entre ce besoin et le “bio climatique” ne me semble pas assez explicitée. »

Loin du PLU et du climat

La dernière journée de la conférence dédiée à l’élaboration des propositions et à leur adoption confirme les craintes de Michel. « Des suggestions retenues sont vraiment intéressantes comme l’isolation des façades à l’occasion des ravalements ainsi que celle des murs aveugles et des parties communes. D’autres, dignes de considération, n’ont pas été prises en compte comme la couverture du boulevard périphérique ou la construction de logements sociaux à l’emplacement du chemin de fer de la Petite Ceinture. Et certaines propositions adoptées ne relèvent, selon moi, ni du PLU ni du “bio climatique” ».

La formation d’une demi-journée donnée aux participants à la convention citoyenne leur permet-elle vraiment, quelle que soit sa qualité, de s’approprier et de maîtriser les enjeux du plan d’urbanisme d’une ville comme Paris ? Ou cette consultation relève-t-elle plutôt d’une opération de communication ? Certains ne sont pas loin de le penser. D’autant qu’une procédure de consultation officielle existe déjà. L’enquête publique dure au moins un mois et se déroule dans des conditions bien encadrées, offrant des garanties satisfaisantes pour tous. •

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