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novembre 2020 / La vie du 18e

Les petites épiceries de quartier en détresse

par Stéphane Bardinet

Ouvertes souvent sept jours sur sept, jusque parfois très tard dans la nuit, les supérettes sont fortement impactées par le couvre-feu. C’est le cas d’Au 36 rue Doudeauville et de CocciMarket rue Caulaincourt. Leurs dirigeants décrivent la situation et leurs inquiétudes.

« Le couvre-feu pour nous, c’est une chute de 80 % de notre chiffre d’affaires, si ça continue comme ça je mets la clé sous la porte dans trois mois ». Adel Msadak plante le décor : les épiceries de quartier sont en grand péril. Avec la fermeture à 21 h, elles sont privées de leurs meilleures heures, quand les plus grandes enseignes ont baissé le rideau depuis longtemps. Pour ces petits établissements où on compte rarement ses heures et souvent pour des salaires faibles, les conséquences sociales pourraient être désastreuses.

Jamel est salarié d’Au 36. Habitant du quartier depuis toujours, il connaît bien tous les clients, « quasiment tous des habitants proches ». Demain, il sera en chômage partiel. « Je commence habituellement à 20 h et termine à 1 h 30, voire 2 h les vendredis et samedis. Avec le couvre-feu, mon service saute », explique-t-il. Car si l’épicerie n’avait pas trop souffert du confinement, les conséquences du couvre-feu elles, sont immédiates. « Nous vendons d’habitude des fruits et légumes frais, les ventes se sont effondrées, et pour le reste, nous allions chez les grossistes tous les deux jours, maintenant, c’est une fois dans la semaine. Et c’est pareil pour les autres épiceries du quartier. »

Toute une année impactée

Lahcen dirige le CocciMarket à l’intersection des rues Lamarck et Caulaincourt. Des cinq salariés avant la crise, il n’en reste que deux et Lahcen de rappeler l’évolution depuis le confinement : « Les mois de mars et avril ont été les pires depuis mon installation il y a plus de vingt ans. Le quartier a été déserté, beaucoup de gens sont partis dans leur famille ou leur résidence secondaire et ça a recommencé en juin, juillet et août alors que le printemps et l’été sont habituellement nos meilleurs mois. Maintenant avec le couvre-feu, on est à -30 %, si ça continue, je vais devoir mettre les deux derniers salariés en chômage partiel. Mais pour l’instant, j’ai encore un peu de trésorerie, on se maintient. »

L’établissement fait face à une baisse du panier moyen et aux conséquences du couvre-feu. « Tout est chamboulé pour nous, par exemple pour les commandes à notre centrale, un camion ne se déplace que pour 100 produits minimum, j’ai demandé à ce que le seuil baisse à 80 malgré les coûts fixes que représente le transport, précise Lahcen. Et puis les gens affluent à 20 h 30 ce qui a failli nous poser problème : le premier soir nous avons fermé à 21 h 05, la police est passée pour nous menacer de quinze jours de fermeture administrative à la prochaine infraction, depuis à 20 h 58, le rideau est baissé. »

Aujourd’hui, l’activité se poursuit tant bien que mal, les clients âgés ou malades sont encore livrés à domicile, comme pendant le confinement, et les mesures sanitaires et de désinfection sont respectées à la lettre. Mais pour Lahcen, amoureux du quartier, le plus dur reste l’ambiance générale : « C’est dur de voir tous les gens qui souffrent, ceux qui ont perdu leur travail et de sentir tout le monde inquiet. » •

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