Menaces de mort, rébellion et outrage à agent ont amené Alexandre* dans un box du tribunal correctionnel de Paris.
« Fils de pute, allez niquer vos mères, je suis pas un PD moi », énumère calmement le président de la 23e chambre du tribunal judiciaire, lisant le rapport de police qu’il a sous les yeux.
« Le 17 août 2020, en gare du Nord, trois policiers ont aperçu un individu aux mains de deux agents de la sûreté ferroviaire, qui avaient du mal à le maintenir debout. Vous vocifériez. Quand on vous a demandé de poser votre bouteille de bière, vous l’avez jetée dans les tibias du brigadier. » Trois fonctionnaires en tenue sont présents. Ils se sont portés partie civile.
« Je vais vous crever un par un, on va revenir à sept et on va faire péter une bombe, mais ce ne sera pas une bombe à 10 », c’est bien ce qu’il vous a dit ?" leur demande le juge.
Alexandre, 20 ans, comparait donc pour menaces de mort, rébellion et outrage sur personnes dépositaires de l’ordre public. Des menaces ? Il ne s’en rappelle pas. « Je me suis énervé parce qu’ils ont touché mes parties intimes. » A présent calme et droit, on peine à l’imaginer résistant au contrôle engendré par l’absence de masque sur son visage ou s’énerver au point d’être amené au sol, menotté et embarqué en garde à vue.
Même attitude au poste, où un dépistage au cannabis s’est avéré positif. « La justice je les prends je les retourne… » Le juge marque une pause, petit regard en biais vers le prévenu, soupir, il continue sa lecture : « Je m’en bats les couilles de ton papier, amenez-moi à Fresnes direct. »
Au casier d’Alexandre figurent déjà plusieurs condamnations : extorsion, port d’arme, outrage et agression sexuelle. Le président du tribunal parcourt les feuillets de l’enquête sociale. Domicilié chez sa mère, le jeune homme s’est enfui à la suite d’une altercation avec son beau-père. Il reconnaît son addiction à l’alcool et au cannabis. D’ailleurs, il doit entrer en cure de désintoxication dans cinq jours.
« Vous ne travaillez pas ? Qu’avez-vous fait comme études ? » « L’IME**. » Le juge et ses assesseurs échangent quelques regards gênés. Alexandre bénéficie d’un traitement antipsychotique. « Vous mélangez avec l’alcool et le cannabis ? » Aucun risque. « Les médocs je les prends pas. » L’avocat se lève et interroge à son tour : « Savez-vous pourquoi vous êtes sous curatelle ? » « Parce que j’ai du mal à écrire. » « Pensez-vous que vous êtes aussi intelligent que les autres ? » La réponse est sans ambigüité : « Non. » Le procureur se dit frappé par la froideur du mis en cause, sa distance par rapport aux faits. « Alcool et drogue ne sont en rien des circonstances atténuantes. » Il rappelle que l’homme est mis à l’épreuve jusqu’en novembre 2021, avec une obligation de soins et de travail. « Le cadre est là, il doit se prendre en charge. »
Trois mois ferme sont requis. « Vous avez compris ce qui est demandé ? » interroge le juge. Alexandre hoche la tête. Son avocat plaide l’intelligence limitée, « peut-être congénitale puisque son père était déjà handicapé. » Doit-on le considérer comme pénalement responsable, peut-on évoquer une abolition du discernement ? « Difficile sans avis médical… Mais l’incarcération me paraîtrait totalement contre-productive. En quoi pourrait-elle améliorer monsieur ? » Le défenseur réclame une peine sans mandat de dépôt. « La justice a tout un arsenal de mesures à disposition pour que cette fois-ci soit la dernière. Quant aux policiers, bien sûr, ils ne sont pas là pour se faire insulter. Mais ce n’était somme toute que l’idiot du village qui s’est énervé et qu’on aurait toléré autrefois. » L’affaire est renvoyée pour qu’une expertise psychiatrique soit réalisée. En attendant, Alexandre est sous contrôle judiciaire et devra pointer chaque semaine au commissariat. A suivre
* Le prénom a été modifié.
** Les instituts médico-éducatifs accueillent les élèves atteints d’une déficience intellectuelle.