Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

mars 2023 / La Chapelle

Fromage : « C’est moi qui l’ai fait »

par Sylvie Chatelin

A la laiterie de La Chapelle, on fait son fromage soi-même avec les 800 litres collectés deux ou trois fois par semaine à la ferme de Launay dans le Vexin français, à environ 35 km de Paris. Paul, créateur et expert fromager, nous a initiés à la transformation du lait en tomme.

Nous sommes cinq (y compris la rédactrice de ce papier). Anne-Marie et Philippe sont accompagnés de leur petite-fille Marie à qui ils offrent cet atelier comme cadeau de Noël. Quant à Romain, c’est un ami du maître des lieux travaillant dans les fromages AOP. A 19 h 30, début de l’atelier autour d’un verre de jus de pommes pour se présenter et bénéficier d’un petit apport théorique.

Paul lance la question essentielle : « C’est quoi un fromage ? » Les réponses fusent. Il ressort qu’il faut du lait pour faire du fromage et que ce lait, composé à 85 % d’eau (plus 4 % de gras, 3 % de protéines, 5 % de sucre [lactose] et 3 % de calcium/minéraux), il va falloir en retirer l’eau et « le sécher » pour en faire « une conserve de lait ».

Après quelques rappels de règles d’hygiène essentielles (se laver les mains, retirer ses bagues), nous revêtons l’uniforme du parfait fromager : bottes de caoutchouc, grand tablier blanc imperméable et charlotte. Petit passage dans le pédiluve (pour désinfecter la semelle de nos bottes), avant d’entrer dans le laboratoire.

Lait et présure

Chacun se retrouve devant une cuve individuelle que nous remplissons à tour de rôle avec 10 litres de lait traits la veille au soir et collectés le matin même dans le Vexin. Le lait cru, chauffé à 33 °C, gicle, blanc et mousseux dans les cuves.

Il faut maintenant ajouter la présure pour faire cailler le lait. Paul nous indique qu’elle est extraite de l’estomac (la caillette) d’un veau. Chacun en prélève 3 ml à l’aide d’une pipette et l’injecte délicatement dans le lait tout en remuant doucement avec une spatule. Il faudra attendre 15 à 20 minutes avant que le caillé se forme. En attendant, Paul nous emmène visiter la cave d’affinage, très fraîche et visible depuis la rue au travers de grandes baies vitrées, juste à côté du laboratoire. Sur les étagères sont alignés les fromages en cours d’affinage, à la croûte plus ou moins formée et colorée selon leur date de fabrication et qui seront vendus à la boutique.

Entre-temps, le lait a commencé à coaguler dans les cuves et à prendre une consistance plus solide. Encore quelques minutes et, lorsqu’une faisselle vide posée dessus pour vérifier sa consistance ne s’enfonce plus, il est temps de le décailler. Chacun y va doucement de son tranche-caillé, sorte de grille, passé dans un sens puis dans l’autre, afin de réduire la masse gélatineuse en petits morceaux de la taille d’un grain de maïs.

Il faut ensuite plonger les mains dans cette matière blanche, douce et chaude, sensation très agréable que chacun semble apprécier, pour la brasser et terminer le décaillage.

Nature ou aromatisée

Et voilà le moment du moulage, en faisselles, pour évacuer le lactosérum. A nous de choisir, une seule faisselle pour une grosse tomme ou deux plus petites dont une que nous pouvons aromatiser en y mélangeant du carvi, du fenugrec, de l’ail des ours (ou ail des bois) ou du poivre. Les faisselles resteront à température ambiante jusqu’au lendemain soir avant d’être démoulées et de rejoindre les claies à la cave pour être affinées pendant trois mois.

Nettoyage au tuyau et désinfection des tables métalliques sur lesquelles nous venons de travailler, avant de quitter nos bottes et nos tabliers. Et de nous retrouver dans la boutique où nous attend une dégustation des différents fromages fabriqués par Paul et son équipe (Pajol, Dormoy, tomme La Chapelle, bleu, cheddar, tomme ail des ours) accompagnés d’un excellent vin blanc et du pain du boulanger voisin.

Nous reviendrons chercher nos tommes après une période d’affinage de trois mois. Nous n’avons fait que la moitié du travail car, entre-temps, Paul et son équipe les auront lavées à l’eau salée et retournées régulièrement sur les claies.

Un atelier à s’offrir ou à offrir pour retrouver des techniques ancestrales et apprendre plein de choses sur la chimie du lait et sa transformation en fromage. •

Photo : Sylvie Chatelin

Dans le même numéro (mars 2023)

  • Le dossier du mois

    Imaginer, raconter, partager - osez les ateliers d’écriture

    Gaëlle Faure, Sylvie Chatelin
    Les ateliers d’écriture ont le vent en poupe. Nous nous y sommes essayés, au Poulpe et au Petit Ney. Dans le premier on écrit le 18e, tandis que dans le second le thème est nouveau chaque semaine. Deux approches différentes pour entrer dans le monde de l’écriture mais une même production de textes drôles, émouvants, imaginatifs et partagés pour le plus grand plaisir de tous.
  • La vie du 18e

    On ferme. Après les lycées, les écoles

    Patrick Mallet
    A la rentrée 2023, une vingtaine d’écoles du 18e perdront une classe. Parents et enseignants s’insurgent contre cette annonce jugée inacceptable.
  • La vie du 18e

    Le réveil de la coccinelle

    Jacky Libaud
    Mars est le mois de réapparition des insectes au jardin, tels les papillons citron ou les abeilles osmies rousses, pollinisateurs vitaux pour les floraisons précoces.
  • La Goutte d’Or

    TATI : le projet se précise

    Dominique Boutel
    Studio Belem, l’agence d’architecture associée au promoteur immobilier Immobel, propriétaire du foncier, a remporté le contrat chapeauté par la Ville, concernant la transformation des anciens établissements Tati. Ces jeunes architectes présentent leur projet pour ce lieu emblématique de l’histoire du 18e arrondissement.
  • Montmartre

    « souvenirs, souvenirs » Jean-Louis Rancurel, photographe des sixties

    Monique Loubeski
    Jean-Louis plonge très tôt dans l’univers du rock et utilise son Semflex pour immortaliser ses contemporains se produisant sur scène. Soixante ans plus tard, à la tête de la photothèque Rancurel, il est chaque jour sollicité pour ses précieux clichés.
  • Histoire

    Lycée Jacques Decour : dans les pas d’un ancien élève

    Dominique Delpirou
    Après l’histoire de ce grand lycée parisien (lire notre n° 311), partons pour une balade intimiste et littéraire à travers le regard et les souvenirs d’un ancien élève, revenu sur les pas de son adolescence.
  • Les Gens

    Kamel Bourahla fait vivre le chaâbi algérien dans la Goutte d’Or

    Marion Bernard
    Poète prolifique, joueur de mandole – un cousin plus rude de la mandoline spécialement inventé pour le chaâbi, Kamel Bourahla, « Cheikh », sillonne le 18e pour semer ses poèmes d’exil et soigner les âmes.