Journal d’informations locales

Le 18e du mois

mars 2023 / La vie du 18e

On ferme. Après les lycées, les écoles

par Patrick Mallet

A la rentrée 2023, une vingtaine d’écoles du 18e perdront une classe. Parents et enseignants s’insurgent contre cette annonce jugée inacceptable.

Le rectorat de Paris annonce la suppression de 178 classes – et 16 ouvertures – à la rentrée prochaine, au motif d’une baisse des effectifs. Le nombre d’élèves en maternelle et en école élémentaire a fondu de 20 % en dix ans. En 2022, les écoles ont compté 4 000 élèves de moins et 3 000 ne sont plus attendus à la rentrée prochaine. Ce phénomène s’explique par une baisse démographique, due en partie aux prix élevés de l’immobilier qui obligent les familles modestes avec enfants à quitter la capitale. Pour le rectorat et le ministère, les fermetures se justifient triplement par cette baisse, un taux d’encadrement supérieur à la moyenne du territoire et une population socialement plus favorisée. Cependant ces données ne se retrouvent pas partout et n’expliquent pas qu’un tiers des fermetures touchent les arrondissements les plus défavorisés.

Les 18e, 19e et 20e arrondissements, qui totalisent une soixantaine de suppressions, concentrent 60 % des quartiers prioritaires de la Ville et 70 % des écoles en réseaux d’éducation prioritaire (REP), soit 31 écoles rien que pour le 18e. Sylvaine Baerhel, présidente de la FCPE Paris, se déclare « effarée, on s’attaque aux populations les plus en difficulté, c’est là où l’on supprime le plus de classes ». Et d’ajouter : « On assiste réellement à la volonté du gouvernement de faire des économies sur les établissements publics, alors qu’il manque des professeurs remplaçants, que des milliers d’heures ne sont pas remplacées. » Alors que « à moyens constants, on a l’opportunité de promouvoir une école publique de qualité, on amène l’éducation des enfants vers le moins disant. »

Dans le 18e arrondissement, 23 suppressions étaient initialement programmées. Après intervention de la Mairie, trois auraient pu être sauvées. Reste 20 fermetures annoncées dont la moitié sont en REP. Les difficultés rencontrées ne pourront que s’accroître. Par exemple, l’école Guadeloupe devrait perdre une classe et une ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) à la rentrée prochaine, alors qu’elle compte 45 élèves en situation de handicap dont 33 en ULIS, sur un effectif total de 170. Même si après discussions le nombre d’ULIS devrait être maintenu, l’école acceptant d’accueillir l’an prochain des enfants manifestant des troubles du spectre autistique, une classe de moins rendra difficile l’inclusion des élèves handicapés.

Mobilisation tous azimuts

Pour lutter contre ces suppressions, parents et professeurs s’organisent et multiplient pétitions, lettres aux élus, banderoles placardées sur les murs des écoles, réunions. Le jeudi 14 février, un rassemblement initié par l’ensemble des écoles parisiennes a réuni plus de 500 personnes devant le rectorat de Paris pendant qu’une délégation était reçue. Sofie Epelboin, professeure à l’école Guadeloupe et membre de la délégation pour son école, raconte : « On avait en face de nous des personnes qui étaient là pour prendre des notes et lire leurs tableaux Excel. Leur nombre d’élèves entrant en CP à la rentrée prochaine dans notre école et ceux comptabilisés par la Mairie à la sortie de maternelle n’étaient pas les mêmes ! Pour l’anecdote, on nous a reçus dans un couloir entre deux portes de toilettes. Ils ne semblaient pas préparés, ils prévoyaient une rencontre de deux heures, elle en a duré neuf. » Sans résultats, autre que le maintien de deux classes initialement supprimées dans les 20e et 16e arrondissements.

Prochaine étape le 6 mars, quand se tiendra le Conseil départemental de l’Education nationale, avec la poursuite de la mobilisation. Les élus soutiennent la protestation, Anne Hidalgo au niveau parisien, Danièle Obono et Eric Lejoindre pour le 18e. En réaction aux suppressions annoncées, ce dernier dans un tweet en date du 17 février dénonce « une décision brutale qui va à l’encontre de la politique que nous menons » et invite à une réunion en mairie le 13 mars. De leur côté, les parents et professeurs mobilisés se préparent à de nouvelles actions – le 6 mars et les jours suivants. •

Photo : DR

Dans le même numéro (mars 2023)

  • Le dossier du mois

    Imaginer, raconter, partager - osez les ateliers d’écriture

    Gaëlle Faure, Sylvie Chatelin
    Les ateliers d’écriture ont le vent en poupe. Nous nous y sommes essayés, au Poulpe et au Petit Ney. Dans le premier on écrit le 18e, tandis que dans le second le thème est nouveau chaque semaine. Deux approches différentes pour entrer dans le monde de l’écriture mais une même production de textes drôles, émouvants, imaginatifs et partagés pour le plus grand plaisir de tous.
  • La vie du 18e

    Le réveil de la coccinelle

    Jacky Libaud
    Mars est le mois de réapparition des insectes au jardin, tels les papillons citron ou les abeilles osmies rousses, pollinisateurs vitaux pour les floraisons précoces.
  • La Chapelle

    Fromage : « C’est moi qui l’ai fait »

    Sylvie Chatelin
    A la laiterie de La Chapelle, on fait son fromage soi-même avec les 800 litres collectés deux ou trois fois par semaine à la ferme de Launay dans le Vexin français, à environ 35 km de Paris. Paul, créateur et expert fromager, nous a initiés à la transformation du lait en tomme.
  • La Goutte d’Or

    TATI : le projet se précise

    Dominique Boutel
    Studio Belem, l’agence d’architecture associée au promoteur immobilier Immobel, propriétaire du foncier, a remporté le contrat chapeauté par la Ville, concernant la transformation des anciens établissements Tati. Ces jeunes architectes présentent leur projet pour ce lieu emblématique de l’histoire du 18e arrondissement.
  • Montmartre

    « souvenirs, souvenirs » Jean-Louis Rancurel, photographe des sixties

    Monique Loubeski
    Jean-Louis plonge très tôt dans l’univers du rock et utilise son Semflex pour immortaliser ses contemporains se produisant sur scène. Soixante ans plus tard, à la tête de la photothèque Rancurel, il est chaque jour sollicité pour ses précieux clichés.
  • Histoire

    Lycée Jacques Decour : dans les pas d’un ancien élève

    Dominique Delpirou
    Après l’histoire de ce grand lycée parisien (lire notre n° 311), partons pour une balade intimiste et littéraire à travers le regard et les souvenirs d’un ancien élève, revenu sur les pas de son adolescence.
  • Les Gens

    Kamel Bourahla fait vivre le chaâbi algérien dans la Goutte d’Or

    Marion Bernard
    Poète prolifique, joueur de mandole – un cousin plus rude de la mandoline spécialement inventé pour le chaâbi, Kamel Bourahla, « Cheikh », sillonne le 18e pour semer ses poèmes d’exil et soigner les âmes.

n° 331

novembre 2024