Au Cent quatre, un assemblage de clichés, dans les deux sens du terme, expose la société de consommation jusqu’à saturation…
« Tout doit disparaître ». Le titre laisse pensif : qu’est-ce qui devrait donc disparaître, ce que montre l’exposition ou l’exposition elle-même ? Si l’on peut être tenté par la deuxième option, il faut tout de même prendre le temps d’arpenter les quatre grandes salles consacrées à la collection de photographies et de cartes postales de Jean-Marie Donat. Plus de mille images datées de 1880 à 1990 sont en effet présentées par la commissaire de l’exposition, Audrey Hoareau.
Le sujet est brûlant d’actualité : en cette période de prise de conscience que la société de consommation est en train de détruire définitivement notre planète, Jean-Marie Donat, s’est appliqué à rassembler depuis plus de trente ans un corpus photographique constituant à la fois un témoignage et une vision singulière des temps modernes, mettant en lumière l’émergence de la société de consommation, la prédominance à l’échelle mondiale de certains types de biens, et la survivance de certaines traditions ou croyances.
Un portrait touchant et terrifiant
Organisés par thèmes (l’avènement de la télévision, la passion de la voiture, l’image de la femme, la persistance de moments symboliques comme noël…), les assemblages de ces centaines de photographies, pratiquement toutes anonymes, dressent un portrait à la fois touchant et terrifiant de la classe moyenne européenne, première victime des mirages du progrès et de l’accession à la consommation.
Certaines catégories sont particulièrement croustillantes, comme celle qui réunit des cyclistes professionnels espagnols s’appelant tous Jesus et devenant les ambassadeurs des marques qu’ils portent sur leur maillots. Ou ces célébrations de l’entrecôte (après guerre, il faut manger de la viande dans certaines classes de la population occidentale) que portent comme des trophées des jeunes femmes élégantes. Ou encore ces photos montrant des monceaux de cadeaux sous des sapins souvent artificiels… Et que dire de ces amoureux américains qui décorent leurs costumes de mariage de billets de banque !
Mais il y a à la fois trop à voir, et pas assez, chacun des sujets étant en soit très banal. C’est ce qui fait l’ambigüité de cette exposition, dont la nouveauté, l’originalité peut être questionnée ; l’accumulation d’objets sur les photos renvoyant à l’accumulation de photos de l’exposition, le tout provoque assez rapidement une sorte de saturation nauséeuse. Mais l’ambiance du 104, toujours pleine de cette vitalité des danseurs qui s’entrainent dans tous les recoins possibles de l’édifice , de ces spectacles qui s’y préparent, redonne, à la sortie de l’exposition, de l’espoir sur le monde qui nous attend.
Tout doit disparaître, regard sur la société de consommation, jusqu’au 30 janvier, du mardi au dimanche, de 14 h à 19 h, 5 rue Curial, métro Riquet.
Photo : Collection Jean-Marie Donat