D’un fabuleux destin aux derniers des Mohicans, certaines salles obscures ont perduré mais beaucoup ont disparu. Voici le deuxième épisode de notre série sur les salles de cinématographe : de l’âge d’or d’un loisir populaire à l’impact de la télé et les conséquences sociales de ce duel.
« Le chef d’oeuvre des salles, la salle des chefs-d’œuvres » pour Jean Cocteau. Il y a 91 ans, le 10 février 1928, Jean- Placide Mauclaire inaugurait... le Studio 28, une salle de cinéma d’avant-garde fréquentée par de nombreux artistes, dont certains venaient en voisins. C’est dès le début, « le cinéma des cinéphiles », comme l’a écrit Agnès Varda dans un petit mot exposé dans le hall. Le film choisi pour ouvrir cette salle (et qui a été à nouveau projeté le 15 mars dernier) en témoigne : Trois dans un sous-sol, un film soviétique d’Abram Room, sorti l’année précédente.
Poursuivant son idée de programmation, Mauclaire décide de projeter en 1930 L’Âge d’or de Luis Buñuel. Après deux projections, une bataille éclate, la salle est saccagée, c’est le scandale et le film est interdit. Jean-Placide Mauclaire, dans l’incapacité de rembourser les places déjà achetées, se sépare du Studio 28 qui est repris par Édouard Gross. Changement de programme : l’heure est alors aux grandes comédies américaines en version originale, aux films de Frank Capra, des Marx Brothers, de Fields avec lesquels la salle remporte un énorme succès.