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Le 18e du mois

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juin 2021 / Culture

Ils font parler du 18e

par Sylvie Chatelin

Le jury de la 5e édition du concours Filme ton quartier organisé par France 3 et présidé par Jean-Pascal Zadi, a classé Petite Sœur à Barbès 4e sur 350 films reçus. Une belle réussite pour ce (très) court métrage tourné par un duo enthousiaste et militant et qui lui assure une diffusion.

Cette année il s’agissait de réaliser un documentaire de trois minutes trente au maximum sur le thème « Avoir 20 ans ». De ces contraintes, Norreddine Benadjemia et Oma-Yiwa Dubois, respectivement président et secrétaire de l’association Unis Vers l’Art Studio, ont su réaliser un documentaire émouvant qui nous emmène sur les pas de Tatiana, jeune fille d’origine tunisienne, arrivée en France il y a deux ans avec sa sœur et sa mère « pour fuir la misère qui finalement les a rattrapées ». Dans la galère, elle résiste à la prostitution et préfère « vendre du shit que vendre son corps ». Tatiana a vécu le premier confinement enfermée chez son copain qui ne la laissait pas sortir et l’émotion l’étreint et nous étreint quand elle raconte ses deux tentatives de suicide. Pour elle, triste constat, « avoir 20 ans, c’est la merde ».

En fond sonore, des slams : « Je m’abandonne à la nuit et compte mes chances d’atteindre le matin, je m’exerce à mourir délaissée par le bonheur. Tant pis je prendrai le prochain train… »Les textes font écho aux propos de Tatiana sur une bande-son réalisée par Les Mineurs du son et deux très jeunes musiciens prometteurs, deux frères, Isaak et Noam, 9 et 11 ans.

La « vraie » Tatiana, que Norreddine voit depuis deux ans traîner dans le quartier, laisse quelquefois place à son « avatar » animé, petite silhouette emmitouflée dessinée par Yas Latrash1, dont les grands yeux verts se baissent pudiquement sur un désespoir que l’on sent tangible.

Les 3:30 minutes ont nécessité deux jours de prises de vue sur les pas de Tatiana et un travail très soigné de montage.

Toi ! Oui toi ! Pas pipi ici !

Norreddine a déjà réalisé un documentaire de 52 minutes sur le quartier (Barbès, au cœur de la guerre des petits caids diffusé en 2009 sur W9) mais pour Oma-Yiwa, c’était une grande première. Fous de cinéma tous les deux, ils ont recréé le célèbre Walk of fame hollywoodien sur le trottoir devant leur local où les gosses du quartier ont inscrit leur noms comme les plus grandes stars. L’équipe fourmille d’idées et parle de lancer un court-métrage tous les trois mois, de repeindre le quartier et de créer le premier Festival du court de Barbès. En projet, un court de 26 ou 52 minutes (le format n’est pas encore décidé), suite de la campagne d’affichage anti-pipi qu’ils ont lancée à l’attention des adultes qui fréquentent le square Léon et viennent ensuite se soulager sans vergogne contre (et non pas dans !) la pissotière installée rue Polonceau, au vu et au su de tout le monde, à deux pas de l’aire de jeux des enfants.

Et Unis Vers l’Art Studio, ce n’est pas que cela. Pour Norreddine, c’est un outil pour « ouvrir plein de portes, pour faire accéder les enfants à l’art, pour faire naître des vocations » et embellir le quartier avec ses fresques félines comme celles qui bordent actuellement le mur du square Léon et les abords de l’église Saint-Bernard. Mais Norreddine, Nono le chat (de gouttière) et les chats, c’est une autre histoire que nous vous raconterons un jour.

Dans le même numéro (juin 2021)

  • Le dossier du mois

    Jardins d’Éole : avis de tempête

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    Le déplacement des usagers de drogues de Stalingrad aux jardins d'Eole par la préfecture, sans concertation ni même information des riverains et des associations, provoque déception, inquiétude et colère. « Rendez-nous notre parc, rendez-nous notre parc ! », scandent les habitants. Ce lieu vert et ouvert devait favoriser le vivre ensemble dans ce quartier multiculturel. Aujourd'hui, la réalité est bien différente. Si certains riverains n’hésiteraient pas à adopter des mesures radicales, d’autres, à l’instar des associations d’aide aux consommateurs de drogues et des élus, demandent que l’on aille au-delà.
  • Jardins d’Eole : avis de tempête

    Jardins d’éole : le rêve se referme

    Sylvie Chatelin
    De la belle idée de « jardin ouvert » pensé par Michel Corajoud, paysagiste et voulue par les habitants, il ne reste plus grand chose.
  • Jardins d’Eole : avis de tempête

    Paroles de riverains

    Danielle Fournier, Sandra Mignot
    Quand ils ont appris la décision préfectorale, les habitants du quartier se sont insurgés que l’on ajoute de la misère dans un quartier déjà en souffrance. Leurs réactions.
  • Jardins d’Eole : avis de tempête

    Vent de colère sur les Jardins d’ Eole

    Danielle Fournier, Sandra Mignot
    Le parc de la rue d’Aubervilliers est officiellement la nouvelle « scène ouverte » des usagers de drogue. Les riverains tentent de s’organiser contre une décision préfectorale qui dégrade leurs conditions de vie.
  • La Chapelle

    Ateliers Vélo

    Florianne Finet
    L’association « Retour vert le futur » organise régulièrement des ateliers gratuits de mécanique dans les quartiers populaires du 18e. Avec un objectif : démocratiser la pratique du vélo.
  • Montmartre

    Les dames pipi gagnent aux Prud’hommes

    Stéphane Bardinet
    Après plus de cinq ans de procédure judiciaire, six « dames pipi » parisiennes ont obtenu gain de cause contre la société néerlandaise 2theloo, gestionnaire de plusieurs toilettes de lieux touristiques parisiens.
  • Histoire

    Amiraux-Simplon : un quartier plein d’histoire

    Danielle Fournier
    Le 18e du mois a quitté la rue Marcadet pour s’installer au cœur du quartier Amiraux-Simplon-Poissonniers. Venez nous rencontrer et visiter ce quartier, à l’écart des parcours touristiques qui prennent d’assaut la colline du Sacré-Cœur pour voir Paris d’en haut.
  • Culture

    Raoul Dufy, lumières sur la capitale

    Noémie Courcoux Pégorier
    Les œuvres rassemblées au musée de Montmartre proposent une narration nouvelle autour de la carrière du peintre, d’où émerge son lien particulier, intime, à Paris.
  • Les Gens

    Elle court, elle court, l’infirmière

    Noël Bouttier
    Rencontre avec Fatoumata Sankharé, athlète de haut niveau qui a commencé à courir à la trentaine, sans jamais lâcher son métier d’infirmière.