Cette année il s’agissait de réaliser un documentaire de trois minutes trente au maximum sur le thème « Avoir 20 ans ». De ces contraintes, Norreddine Benadjemia et Oma-Yiwa Dubois, respectivement président et secrétaire de l’association Unis Vers l’Art Studio, ont su réaliser un documentaire émouvant qui nous emmène sur les pas de Tatiana, jeune fille d’origine tunisienne, arrivée en France il y a deux ans avec sa sœur et sa mère « pour fuir la misère qui finalement les a rattrapées ». Dans la galère, elle résiste à la prostitution et préfère « vendre du shit que vendre son corps ». Tatiana a vécu le premier confinement enfermée chez son copain qui ne la laissait pas sortir et l’émotion l’étreint et nous étreint quand elle raconte ses deux tentatives de suicide. Pour elle, triste constat, « avoir 20 ans, c’est la merde ».
En fond sonore, des slams : « Je m’abandonne à la nuit et compte mes chances d’atteindre le matin, je m’exerce à mourir délaissée par le bonheur. Tant pis je prendrai le prochain train… »Les textes font écho aux propos de Tatiana sur une bande-son réalisée par Les Mineurs du son et deux très jeunes musiciens prometteurs, deux frères, Isaak et Noam, 9 et 11 ans.
La « vraie » Tatiana, que Norreddine voit depuis deux ans traîner dans le quartier, laisse quelquefois place à son « avatar » animé, petite silhouette emmitouflée dessinée par Yas Latrash1, dont les grands yeux verts se baissent pudiquement sur un désespoir que l’on sent tangible.
Les 3:30 minutes ont nécessité deux jours de prises de vue sur les pas de Tatiana et un travail très soigné de montage.
Toi ! Oui toi ! Pas pipi ici !
Norreddine a déjà réalisé un documentaire de 52 minutes sur le quartier (Barbès, au cœur de la guerre des petits caids diffusé en 2009 sur W9) mais pour Oma-Yiwa, c’était une grande première. Fous de cinéma tous les deux, ils ont recréé le célèbre Walk of fame hollywoodien sur le trottoir devant leur local où les gosses du quartier ont inscrit leur noms comme les plus grandes stars. L’équipe fourmille d’idées et parle de lancer un court-métrage tous les trois mois, de repeindre le quartier et de créer le premier Festival du court de Barbès. En projet, un court de 26 ou 52 minutes (le format n’est pas encore décidé), suite de la campagne d’affichage anti-pipi qu’ils ont lancée à l’attention des adultes qui fréquentent le square Léon et viennent ensuite se soulager sans vergogne contre (et non pas dans !) la pissotière installée rue Polonceau, au vu et au su de tout le monde, à deux pas de l’aire de jeux des enfants.
Et Unis Vers l’Art Studio, ce n’est pas que cela. Pour Norreddine, c’est un outil pour « ouvrir plein de portes, pour faire accéder les enfants à l’art, pour faire naître des vocations » et embellir le quartier avec ses fresques félines comme celles qui bordent actuellement le mur du square Léon et les abords de l’église Saint-Bernard. Mais Norreddine, Nono le chat (de gouttière) et les chats, c’est une autre histoire que nous vous raconterons un jour.