Révélée au grand public dans la série « En thérapie », Céleste Brunnquell, jeune espoir du cinéma, a grandi à Montmartre.
Les superlatifs de la presse ne manquent pas pour décrire la jeune actrice : « l’ado qui crève l’écran », « la star d’En thérapie »... Ces louanges n’ont pourtant pas l’air d’avoir d’effet sur cette comédienne toute simple qui donne parfois même l’impression de s’excuser, ou de s’étonner de tout ce bruit autour d’elle.
Premiers rôles
Après un premier rôle « fort », à 14 ans, dans « Les Eblouis » de Sarah Suco, c’est la série « En thérapie » qui la fait connaître du grand public. Elle y interprète Camille, la patiente du mercredi, une jeune fille à la frontière de deux mondes, celui de l’enfance et celui de l’âge adulte, avec toute la fragilité, l’impertinence et les fêlures de l’adolescence. A l’écran, elle impressionne par son engagement, son énergie et sa polyvalence dans l’expression des sentiments, et lorsqu’on l’interroge sur sa vocation, mais aussi sur son enfance, toute proche, c’est la spontanéité qui la décrit le mieux. Née en 2002, Céleste a grandi dans le 18e arrondissement : après ses années de maternelle place Jean-Baptiste Clément – « j’en garde un très bon souvenir » -, elle a la chance de fréquenter une école à la pédagogie axée sur la créativité, l’école élémentaire Houdon – « j’ai adoré, il y avait plein de mélanges ». Elle pratique également la danse, ce qui lui donne certainement une perception plus fine de l’espace et de son corps. Au collège Yvonne Le Tac, elle s’inscrit aux ateliers théâtre, que propose l’un de ses professeurs de français, MarieJoliot : « Il y avait les cours, le soir, mais on allait beaucoup au théâtre ensemble aussi » se souvient-elle. Les cours ont lieu de 17 h à 19 h, et Céleste est l’une des élèves les plus assidues de la 6e à la fin du collège. C’est certainement grâce à la richesse, l’exigence et la bienveillance qui règnent dans ces ateliers, et qui permettent « une autre façon de s’attribuer l’école », qu’éclot ce qu’on peut peut-être qualifier de « vocation » pour Céleste. Marie Joliot a en effet développé un atelier à PAC (pratique culturelle et artistique) et, grâce à ce dispositif, a pu faire travailler les adolescents de son cours de théâtre avec des artistes confirmés, les emmener assister à des spectacles suivis de rencontres avec les artistes, monter des productions assistées par des comédiens professionnels. « La rencontre avec des artistes rend les choses plus accessibles, plus humaines. Céleste a beaucoup aimé l’aspect choral de ce travail », raconte son ancien professeur, « et la construction à plusieurs. Elle s’est beaucoup investie, elle était un élément moteur, très à l’écoute également quand les autres passaient. » Marie Joliot se souvient très précisément de cette jeune fille au talent évident : « Dans la vie, Céleste ne se mettait jamais en avant, elle était discrète. Mais elle se transformait dès qu’elle était en jeu : elle avait le sens du plateau, une présence très forte. Elle était très concrète, toujours dans le travail et avait cette écoute très active. »
Au théâtre de l’Atelier
Au lycée, elle cultive ce goût pour la scène en suivant les cours pour adolescents du Théâtre de l’Atelier, « au départ, pour suivre des copains qui faisaient ça ; je me suis inscrite au même cours. C’était pas du cinéma que je voulais faire mais c’est venu comme ça, par hasard, avec une directrice de casting qui passait dans les cours. » Et c’est là en effet que Sarah Suco la découvre et lui propose le rôle central de son film sur les sectes « Les Eblouis ». Céleste crève l’écran. Elle est même nommée aux Césars dans la catégorie « meilleur espoir féminin ». Puis la télévision la fera connaître de millions de spectateurs. Elle passe son bac, s’inscrit en fac, en histoire de l’art, mais ne tient pas longtemps. Élevée par un père architecte et une mère qui travaille dans l’évènementiel, dotée de grands-parents artistes, ses débuts dans ce milieu redouté (et fascinant) du cinéma ne posent pas de problème à sa famille. Elle peut donc suivre la pente qui s’avère la sienne : s’emparer d’un personnage semble sa nature première. « Dès qu’on l’a vue sur scène à 11 ans, on a compris », déclare la mère d’une de ses camarades de classe du collège. Marie Joliot renchérit : « Dès la 6e, j’ai été épatée, elle jouait un petit rôle dans “Le Médecin malgré lui”, et elle était déjà tellement présente, hyper drôle. Elle avait le sens du jeu, du plateau, de l’écoute. »
Montmartre, son village
A 19 ans, il y a toujours en elle une part d’enfance, qui donne au terme jouer toute sa signification : « J’aime bien travailler le texte. Dans “En thérapie”, c’était juste ça : on n’avait pas de répétitions, et avoir ce seul matériau là, c’est hyper intéressant. Et finalement, quand tu es dedans, le texte n’est pas si compliqué à apprendre. Moi, je l’ai tout le temps en tête, dans la rue, dans la douche et quand je commence à me l’approprier un peu, je l’écris aussi. On cherche une mélodie en le relisant. Et en marchant beaucoup (rires) ». Céleste n’est plus trop souvent dans le 18e, mais ça reste chez elle : « Je n’ai jamais déménagé, alors Montmartre, pour moi c’est la vie de quartier ; mes parents me racontent toujours comment c’était avant, moi, j’ai grandi pendant que tout changeait, mais je sens toujours un esprit de village, un truc qui reste et chaque fois que je reviens à Paris, j’adore m’y balader. » La jeune femme n’a pas gardé beaucoup d’amis de ses années d’école, mais elle connait du monde : ceux qui, comme elle, n’ont jamais bougé. « Les gens me reconnaissent c’est toujours une surprise pour moi. IIs sont hyper à l’aise, beaucoup plus que moi ! »
Où ces récents succès vont-ils la mener ? Elle laisse la porte ouverte, indécise. « Assumer un texte tous les soirs, je ne sais pas (rires), mais j’aimerais bien essayer. » En attendant les salles de théâtre, Céleste vient de tourner avec Jacques Weber, Laure Calamy et Dominique Blanc, dans L’origine du mal de Sébastien Marnier, qui ne tarit pas d’éloges sur elle. Le cinéma l’appelle, écoutera-t-elle ses sirènes ? « Pour moi, c’est émouvant de la voir grandir à l’écran » conclut Marie Joliot. « C’est comme si l’atelier théâtre continuait un peu, je continue à la regarder sur le plateau… »
Photo : D.R.