L’Espace Canopy accueille, dans une résidence artistique consacrée à la danse contemporaine créée et interprétée par des femmes, Yara Al Hasbani, chorégraphe d’origine syrienne.
La blonde Yara est née en 1993 à Damas, s’est formée à la danse classique à l’Institut d’art dramatique de la ville. Son père, opposant au régime dictatorial en place, meurt sous la torture. Avec sa mère, sa sœur et son frère, elle doit s’enfuir à l’âge de 20 ans. Première étape : la Turquie pendant une année. Puis la France. Yara danse sur les ballets qu’elle invente (Unstoppable, Va voir là-bas si j’y suis). Elle apprend le français, participe aux ateliers du collectif « Artistes en exil », reçoit une bourse de la région Île-de-France.
« Danser, c’est mieux que parler » dit-elle. Pour la jeune Syrienne, le corps permet d’exprimer tous les sentiments, toutes les émotions. L’outil parfait pour revendiquer, contester, s’affirmer. Ses influences sont celles de danseuses et chorégraphes à la forte personnalité : Pina Bausch, Trisha Brown, Marie-Agnès Gillot.
Emancipation des corps
Yara Al Hasbani avait pris l’habitude de se produire en solo. Pour interpréter Elham elle est accompagnée par deux autres danseuses : Ludivine Mirre et Aurélia Chanolo et par une pianiste. Toutes trois travaillent en résidence artistique au sein de l’Espace Canopy. L’œuvre est une ode à la libération des femmes. Le ballet est scindé en deux parties. Dans la première, baignée par une mélopée orientale, les femmes sont empêchées, entravées. Dans la seconde, le dynamisme d’une musique électronique témoigne de l’émancipation des corps. De l’émergence d’une puissance toute neuve. Pour écrire Elham Yara a bien sûr d’abord pensé aux femmes du Moyen-Orient. Elle a pu constater leur courage dans des régions en guerre et déplorer le système patriarcal qui les étouffe. Cependant le ballet s’adresse aussi aux Françaises « qui sont parfois malheureuses, agressées, battues. Alors que la loi est censée les protéger ».
A la Halle Pajol sera donnée une version courte d’Elham : une vingtaine de minutes suivies d’un moment d’échanges avec le public. La version longue, presque une heure, sera présentée avant la fin de l’année dans un lieu qui reste à définir. La jeune danseuse songe à d’autres chorégraphies. Cependant, son plus cher désir est de « faire danser les enfants ». D’abord ceux des camps de réfugiés, en Jordanie. Puis ceux d’ici lorsqu’elle aura acquis la nationalité française. •
Photo : Alain Scaniver