Riquet évacué, riverains soulagés, mais Paris pas libéré.
Une nouvelle fois, les usagers de drogues sont déplacés, sans qu’une solution d’accueil soit réellement mise en place.
L’évacuation des consommateurs de crack de la rue Riquet signe-t-elle la fin du bras de fer entre l’Etat et la Ville de Paris ? Rien n’est moins sûr. Le 24 septembre au matin, la préfecture a finalement décidé de déplacer, une fois de plus, les toxicomanes sur un autre site du nord-est parisien, le square de La Villette, place Auguste Baron. Une solution que la mairie de Paris avait rejetée fin juin au moment où elle leur fermait la porte des Jardins d’Eole. Depuis, Anne Hidalgo a proposé l’ouverture de structures de prise en charge dans le 20e et le 10e, et l’élargissement des missions des CAARUD existant dans le 18e. Un plan globalement validé par le Premier ministre.
Mais le 21 septembre, l’édile parisienne, devenue depuis candidate à l’élection présidentielle, s’est déplacée rue Riquet, là où chaque semaine des riverains manifestent pour demander le départ et la prise en charge des usagers de drogue. Anne Hidalgo y a frontalement dénoncé l’incurie de l’Etat, responsable de la sécurité et de la lutte contre le trafic de drogue. La préfecture de police a réagi par voie de communiqué renvoyant la balle à la maire de Paris, désignée comme responsable du point de fixation sur la rue Riquet depuis l’interdiction d’accéder aux jardins ; elle soulignait aussi ses propres résultats en matière de lutte contre le trafic : « 8 “cuisines” de crack démantelées dans le secteur depuis le début de l’année, 88 personnes interpellées dont 79 présentées à la justice ».
Au mépris des élus locaux
Toujours est-il que si les riverains d’Eole sont – pour l’instant – soulagés, c’est au tour des habitants de Pantin et d’Aubervilliers de s’inquiéter. La place Auguste Baron est en effet à l’entrée de ces deux villes. Le maire de Pantin a signalé que « l’endroit choisi est à proximité directe du quartier des Quatre-Chemins de Pantin et d’Aubervilliers, l’un des quartiers les plus pauvres de France ». Dans un communiqué de presse il ajoute : « Par cette décision, le ministre de l’Intérieur piétine les élus locaux et s’essuie les pieds sur la Seine-Saint-Denis. Il a opté pour la plus mauvaise solution : celle d’ajouter de la misère à la misère ».
Quant au dispositif annoncé fin août, pour l’instant aucune proposition n’a été faite aux associations en mesure de développer la prise en charge des usagers de drogues. L’association Aurore possède l’un des huit CAARUD (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques) qui équipent le 18e arrondissement et dont la Ville de Paris a annoncé que les modes d’accueil et les missions seraient élargis. « Nous avons déposé des projets, explique Léon Gomberoff, directeur d’un centre de soins et d’un Caarud pour Aurore. Mais nous ne savons pas s’ils seront retenus ». Parmi eux, le site de Pelleport dans le 20e était présenté comme pouvant se transformer en lieu d’accueil. Devant la mobilisation des riverains et les réserves du Premier ministre Jean Castex, le site a finalement été abandonné. Aurore possède également un accueil de jour porte de La Chapelle, isolé des habitations, qui pourrait être transformé en salle de consommation.
« Mais les salles règlent le problème des scènes ouvertes, pas celui de l’addiction, insiste Léon Gomberoff. Sortir de l’addiction est un long parcours, composé d’étapes qu’il faut respecter. Nous proposons donc aussi la création d’un réseau de professionnels et de structures spécialisés permettant de suivre les consommateurs à chaque étape ». Le site de Pelleport, un centre de soins et non une salle de consommation, où Aurore envisageait de proposer des actions et traitements expérimentaux aurait pu être un maillon de ce réseau. « Mais le fait d’avoir maintenu une scène ouverte dans Paris a créé une mauvaise image de notre action et aussi placé les consommateurs dans une position de confrontation qu’ils ne souhaitent pas forcément », regrette Léon Gomberoff. Alors que déjà des manifestations sont annoncées du côté de Pantin/Aubervilliers, la mise en œuvre de nouvelles structures et actions s’annonce délicate. •