Dans le cadre du programme Une œuvre à l’école, le Fonds d’art contemporain-Paris Collection prête des œuvres aux établissements scolaires. Cette cohabitation n’est-elle pas la meilleure façon de sensibiliser les jeunes esprits à la création ?
La salle d’art de l’école Rouanet a tout d’un musée : œuvres des élèves, posters d’art, et même projections vidéo. Pas un centimètre sur les murs qui ne témoigne de l’intérêt que l’établissement porte à l’art visuel et de la créativité de l’enseignante en arts plastiques Bénédicte Delaroche-Hébert. « L’architecture très particulière de l’école invite à favoriser la présence de la culture, explique-t-elle. L’art y a sa place. » C’est pourquoi il y a deux ans, l’établissement s’est porté volontaire pour accueillir l’une des œuvres d’art contemporain du fonds de la Ville de Paris.
Et elle renouvelle l’expérience cette année avec Contrebande ≠2 de l’artiste Céline Vacher-Olivier. Ce grès émaillé dissimulé sous un drapé de tissu en soie avec des motifs de fleurs, noué selon une technique japonaise pour emballer les cadeaux, le furoshiki, est installé dans l’entrée de la classe d’art, un lieu de passage pour tous les élèves.
Bénédicte Delaroche-Hébert souhaitait une œuvre qui fasse la part belle au mystère : « Elle a une belle présence, suscite l’imaginaire, les enfants sont enthousiastes : ils en parlent à la récréation, il n’y aucune réaction de rejet. Et l’importante protection nécessaire les interroge également. » Elle a été mise en place par le personnel de Paris Collection qui, après avoir choisi son emplacement dans l’école, installe un socle, un plexiglass ou une cloche afin de réduire les risques de détérioration.
Développer l’esprit
Claire Boustani, responsable de la médiation, propose chaque année aux écoles inscrites dans le projet un choix de cinq créations d’artistes vivants. « Je valorise en priorité des œuvres récentes choisies en lien avec les demandes thématiques des écoles, mais il faut que les conditions d’exposition soient les meilleures possibles. » Un dossier pédagogique est fourni aux écoles et si les enseignants le souhaitent, un accompagnement peut être réalisé par des étudiants en médiation de l’art contemporain. Cerise sur le gâteau, l’artiste peut accepter d’intervenir dans l’établissement.
L’objectif est le même pour tous, la familiarité avec l’art :« L’artiste est une personne comme les autres, accessible, il n’y a plus de barrières. L’œuvre fait partie du quotidien des enfants », témoigne la directrice Ophélie Boussetta. Et c’est la notion même d’art qui émerge : « Il y a un vrai travail pour leur faire comprendre qu’une œuvre d’art peut être faite avec des matériaux du quotidien », explique l’enseignante. « Les enfants ont déjà des représentations très classiques », complète Ophélie Boussetta. « L’art contemporain fait appel aux sensations et cette approche n’est pas toujours simple. Il suscite des interrogations qui n’ont pas forcément une seule réponse et cette démarche est intéressante car elle permet de développer un esprit ouvert. »
Claire Boustani souhaite aussi que les enfants découvrent l’art contemporain « dans une rencontre avec l’œuvre, non avec l’artiste. Il s’agit d’une résidence d’œuvre, d’où la durée de l’exposition, une année scolaire, dans un espace vu par tous. » Passée la recherche de signification, de sens, les enfants mettent « la main à la pâte » et produisent leur interprétation. Elle fera l’objet, si les conditions le permettent cette année, d’une grande exposition dans l’école, à laquelle les familles sont invitées. « Hier, un petit garçon m’a offert un cadeau enveloppé dans un furoshiki (voir ci-dessous), raconte Bénédicte Delaroche-Hébert, parce qu’il a acheté du tissu avec sa mère au marché Saint-Pierre. C’était magnifique, mais aussi la preuve que l’art sort de l’école et pénètre le cercle familial. Au bout de deux ans seulement, les enfants font des comparaisons entre les œuvres, ajoute-t-elle. Ils essayent de comprendre la nouvelle en utilisant ce qu’ils ont construit par rapport à la précédente. »
Plaisir et force créatrice
Deux autres écoles accueillent des œuvres d’art : Houdon avec une sculpture de Pascale-Marthine Tayou, Détail de la fontaine E et Pierre Budin, avec une photo, Place Houwaert de Randa Maroufi, artiste qui a exposé sa série sous les voûtes du métro aérien à la Goutte d’Or. A l’école Houdon, qui participe au projet depuis cinq ans, Barbara Martinez, professeure d’arts plastiques, avoue que son propre rapport à l’art contemporain a évolué. Surtout, tout le monde s’amuse : « Les enfants ne se rendent même pas compte qu’ils apprennent ! Ils sont tellement dans le plaisir que ça coule de source. »
Claire Boustani suit les projets de très près et les enseignantes se réjouissent de son engagement, comme en témoigne sa présence à chaque restitution. Pour elle aussi, « l’art parle très vite aux enfants et libère une force créatrice très puissante ».
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