Par le décret du 1er brumaire an II, la nation se débarrasse des signes de royauté et de féodalité. Un habitant de La Chapelle, sociologue féru d’histoire, particulièrement celle de la Révolution, réédite un jeu de cartes où des allégories révolutionnaires remplacent les rois, les dames et les valets de l’Ancien Régime.
Passionné de jeux Virgile Miletto, à la recherche d’un jeu de carte pour un escape game sur la Commune (en préparation) s’est rendu au Musée français de la carte à jouer à Issy-les-Moulineaux. Il n’a pas trouvé ce qu’il cherchait mais il est tombé sur un « jeu républicain An II du règne de la Liberté », connu comme le jeu « Jaume et Dugourc » qu’il s’est mis en tête de rééditer. En septembre dernier, il réussit à obtenir les fichiers numériques des cartes et les retravaille avec la graphiste Mois Slom.
« La Révolution était très austère d’un point de vue graphique » souligne Virgile. Mais au dos des cartes, Mois Slom a réussi un joli « mélange d’art révolutionnaire et d’art nouveau ». Elle y a réuni les symboles de la Révolution : le bonnet phrygien1, la cocarde2, les feuilles de chêne symbolisant les arbres de la liberté, tout cela bien sûr aux couleurs officielles du drapeau bleu, blanc et rouge. Sur l’endroit, les rois sont remplacés par les Génies, les dames par les Libertés et les valets par les Egalités, les initiales R, D et V bien sûr par G, L et E. Car il s’agissait, en 1793, « de se débarrasser des rois, reines et valets et de ne pas reproduire les classes de la monarchie et les symboles de la royauté ». Les dessins, d’époque, sont magnifiques et les symboles encore plus. Ainsi de l’Egalité de couleurs, où un homme noir, que l’on devine ancien esclave, assis sur une caisse de « caffé » (sic), un fusil à la main, est enfin débarrassé de ses fers, brisés à ses pieds ; de la Liberté des cultes avec le Thalmud (sic), le Coran et l’Evangile ; ou encore la Liberté de mariage, « un pas de plus vers l’égalité entre les femmes et les hommes, même si ces cartes représentent davantage des idéaux qu’une réalité historique ». Sans oublier, bien sûr, la Liberté de la presse.
Le mat du roi
Le jeu, 52 cartes plus deux magnifiques jokers, « une carte un peu mystérieuse, pas une vraie carte, qui n’existait pas dans le jeu d’origine », est complété d’une notice historique sur la Révolution rédigée par Hugo Rousselle, historien, qui permet de se remémorer les grands moments de la Révolution. Un autre historien, Pierre Serna, a eu connaissance du jeu après avoir vu une affiche déposée par Virgile à la Sorbonne.
Enthousiasmé par la réédition qu’en a fait le jeune-homme, il l’a tout de suite appelé. C’est lui qui a suggéré d’introduire la carte joker dans le jeu et qui a proposé tout d’abord de l’appeler « fou du roi ». Mais le nom rappelle encore trop la monarchie. Ce sera finalement « Le mat3 du roi » qui évoque une carte du jeu de tarot et le « échec et mat » du jeu d’échecs. Le jeu est imprimé sur un papier de qualité, provenant de forêts gérées durablement, au toucher très lisse et doux, aux coins arrondis pour la version Nivose, « orientée réplique historique ». Il est vendu 15 €, pour le moment sur les marchés de Noël ou autres marchés de créateurs, à la librairie du Rideau rouge ou directement auprès de Virgile. Une autre version, Floréal, « orientée praticité », plastifiée, plus résistante pour les gros joueurs, sera bientôt disponible à 10 €. Virgile va commencer la tournée des bibliothèques et CDI pour distribuer des exemplaires de ses cartes, et diffuser aussi largement que possible les idées de liberté, d’égalité et de fraternité portées par la Révolution et si malmenées à notre époque.