Plus de deux cents ans après sa création, la Société, souvent méconnue du grand public, poursuit son action en particulier dans le 18e où l’on peut toujours croiser ses institutions : maison de la mère et de l’enfant, foyer Marjolin… Le premier épisode de cet article a été publié dans notre numéro 272 (juin 2019).
Créée, sous le règne de Louis XVI, à l’initiative de sept membres de la grande noblesse, la Maison philanthropique de Paris, première société de bienfaisance laïque, se donne pour objet de « secourir l’indigence » et « prévenir les désordres et les crimes […] suite à l’abandon et au désespoir ». L’aide est destinée uniquement aux Parisiens, habitant Paris depuis au moins trois ans et présentant des garanties morales attestées par le curé de leur paroisse. Dans un premier temps, sont secourus exclusivement des octogénaires, des aveugles, des veufs ou veuves et des femmes enceintes. Puis le cercle s’élargit aux pères et mères de neuf enfants et aux ouvriers estropiés par accident, ayant trois enfants. Particulièrement soucieuse du sort des aveugles, la Maison philanthropique ouvre en 1785, avec Valentin Haüy, créateur d’une méthode de lecture avec des lettres en relief, l’école de lecture et de filature qui deviendra l’Institut des jeunes aveugles. La révolution signe la mise en sommeil de la Société philanthropique, faute de moyens, baisse des dons, émigration, et méfiance du pouvoir qui lui refuse tout financement. Au début des années 1800, la création de « fourneaux », premières soupes populaires, conduit à sa réactivation. La nouvelle Société philanthropique se donne alors pour mission de développer l’enseignement primaire et l’assistance juridique, de créer des sociétés de secours mutuels, des assurances contre les accidents, des caisses de vieillesse, etc., prémices des œuvres de prévoyance du 19e siècle. Aux « soupes économiques » viennent s’ajouter des dispensaires, puis l’aide à la création de société de prévoyance. Si la restauration est favorable à la Société, la révolution de 1830 attise ses craintes, rapidement dissipées par l’arrivée de Louis Philippe, ancien membre, qui lui accorde sa protection. Elle est reconnue d’utilité publique en 1839.
L’implantation dans le 18e arrondissement
Le secours apporté est réservé aux Parisiens, il faudra donc attendre 1860 et l’absorption des communes limitrophes, dont Montmartre et La Chapelle de Paris, pour que son action s’élargisse géographiquement. Une maison est achetée rue Labat, pour y implanter un asile de nuit pour femmes, sur le modèle d’un premier établissement de ce genre ouvert en 1879 rue Saint-Jacques. Y sont accueillies pour une à trois nuits les « femmes méritantes ». Elles ont droit à un bain, une soupe, et à une « allocution d’espoir ». Le 12 décembre 1881 est inauguré l’asile du 44 rue Labat, baptisé, trois ans plus tard, Maison Hartmann du nom du donateur qui en permet la reconstruction. Toujours rue Labat, en 1888, est adjoint un dispensaire pour enfants, copie de celui déjà existant depuis 1883 rue de Crimée. Ce nouveau champ d’intervention sociale totalise, en 1890, quatre dispensaires, implantés dans les nouveaux quartiers parisiens. Ils traitent annuellement 7 800 enfants et 20 000 consultations. Soins, distributions de soupes et bains-douches gratuits y sont aussi donnés. Tous ces nouveaux services nécessitent des ressources. À l’initiative de deux de ses membres, la Société organise en 1883, à l’école des Beaux-arts, une exposition de portraits prêtés par les sociétaires. On peut y voir des toiles de David, de Géricault, d’Ingres et d’autres, en vogue à l’époque, oubliés aujourd’hui. La bonne société s’y précipite, 82 000 francs sont récoltés. La Société philanthropique inaugure ici ainsi une nouvelle forme d’événement caritatif, après avoir déjà en 1785 organisé le premier concert de ce type. La question du logement se posant cruellement, Georges Picot, secrétaire de l’Académie des sciences morales et politiques et membre de la Société, désire « reconstituer la famille en rendant le foyer attrayant ». Il est à l’initiative d’une autre innovation, l’ouverture « d’habitations économiques » préfigurations des « Habitations Bon Marché ».
Photos : Jean-Claude N’Diaye