Le vignoble francilien fut autrefois le plus important du royaume de France. Dans le 18e, il avait totalement disparu avant de renaître, notamment à Montmartre…
Fête des Vendanges oblige, parlons ce mois-ci de la vigne, Vitis vinifera, liane volubile qui semble avoir été domestiquée au Proche Orient, il y a plus de 5 000 ans, dans une vaste région englobant la Géorgie, l’Arménie et l’Iran actuels. La culture de ce végétal aurait été introduite en Gaule par les Grecs, avant de beaucoup se développer à l’époque romaine, les gallo-romains devenant vite des experts, inventant au passage le vieillissement en fûts de chêne alors qu’en Méditerranée le vin restait entreposé dans des poteries. Après une baisse de production à la chute de l’Empire, ce sont les moines qui ont relancé la culture de la vigne, source à la fois du « vin de messe » et de forts revenus liés à la vente des surplus. La France s’est alors couverte de raisins, le vignoble d’Ile-de-France devenant le plus important du royaume.
De la piquette au « Clos-Montmartre »
Bien sûr, l’abbaye aux Dames de Montmartre ou celle de Saint-Lazare possédaient des vignes sur et autour de la Butte, mais la réputation du vin de la Goutte d’Or, s’il a jamais existé, est largement usurpée !
Une légende circule sur le net affirmant qu’à la cour du roi Philippe Auguste, un vin de Chypre avait été sacré Pape des vins, celui de Malaga désigné Cardinal et celui de la Goutte d’Or couronné Roi ! Or, dans son poème « la bataille des vins » écrit vers 1224, Henri d’Andeli parle bien d’un fameux vin de Chypre, mais mentionne en seconde position un vin d’Aquila et non de Malaga. Quant à la Goutte d’Or, qui de toute façon n’existait pas encore, elle n’apparait bien sûr pas dans le texte, qui mentionne en revanche les vins de Pierrefitte, Meulan, Argenteuil, Marly et Montmorency.
Il a existé, seulement à la fin du XVIIIe siècle, une maison, « à l’enseigne de la Goutte d’Or », située près de la barrière des Poissonniers (actuel métro Barbès). Le quartier de la Goutte d’Or naîtra officiellement en 1860 lors de l’agrandissement de Paris, sans qu’on ait cultivé auparavant sur son territoire un vignoble notable.
Sur la Butte, après avoir alimenté après la Révolution des guinguettes comme celle du Moulin de la Galette, le vignoble a disparu au cours du XIXe siècle, au profit des immeubles, des rues et des jardins, avant que la vigne actuelle de la rue des Saules ne soit « reconstituée » en 1933 à l’initiative de la Commune libre de Montmartre, pour éviter l’urbanisation du « Square de la Liberté » créé par Francisque Poulbot à l’intention des enfants du quartier. Ce désormais célèbre « Clos-Montmartre » permet depuis 1934 d’élaborer, avec l’aide de généreux vignerons d’autres régions, une cuvée, entreposée dans le « caveau » situé sous la mairie, qui est ensuite vendue au profit des œuvres sociales de notre arrondissement. À noter également l’existence de vignes, dont nous avons parlé dans notre numéro 268, dans les jardins de l’hôpital gériatrique Bretonneau, cultivée depuis 2001. Voire, dans le square Jessaint.
Photo : Jean-Claude N’Diaye