Telle qu’elle est engagée, la transformation de la gare du Nord raconte l’effacement volontaire de la puissance publique au profit du marché.
Indissociable des Jeux Olympiques de 2024, comme l’a été jusqu’à ces derniers mois le CDG Express, le projet gigantesque de transformation de la gare du Nord (600 millions d’euros) vient à son tour d’entrer dans l’atmosphère. Ou mieux, dans le réel. Piloté par SNCF Gares/Connexions et CEETRUS (filiale immobilière du groupe Auchan), ce projet ambitionne de faire passer cette bonne vieille machinerie ferroviaire percluse de douleurs mais toujours vaillante (700 000 usagers par jour quand même !) de l’ancien monde au nouveau. Triplement de la surface (de 36 000 à 110 000 m2), dissociation des arrivées et des départs selon le modèle aéroportuaire, sur-développement de l’activité marchande et de services (de 10 000 à 50 000 m2), circulation des usagers pensée en fonction de cette activité marchande, surexploitation communicationnelle de tous les mantras et autres ponts aux ânes du moment (co-working, recyclerie, végétalisation, pistes de course à pied…).
Car il était temps, lectrices et lecteurs inconscients, que vous le sachiez : une gare est aujourd’hui bien davantage qu’un truc à la noix imaginé par les hommes des temps préhistoriques pour prendre le train. D’abord, c’est quoi un train ? Une gare, figurez-vous, est désormais un lieu de vie ! On y vient, on y passe, on y trainasse, on y baguenaude, on s’y repose, on y court, on y crée des start-ups, on y remplit son caddie, on y répare son vélo, on y fait du sport, on y va même au spectacle… Et à l’occasion, on y prend le train, Londres, Amsterdam, Bruxelles, ce qui n’est pas complètement rien, vu le prix des billets et l’attraction touristique. Quant aux quelque 500 000 usagers quotidiens venus, eux, de leurs banlieues proches ou lointaines et passant par là juste pour taffer sur Paname ou y chercher pitance ou fortune…