Une enseignante et ses élèves du collège Marie Curie expérimentent la maïeutique socratique et le dessin médiumnique pour mieux travailler leur créativité. Des mots et des traits réunis dans un ouvrage original.
Les collégiens, on ne le sait plus toujours, ont l’âme poétique et l’esprit philosophe. Au collège Marie Curie, Muriel Martin, alias Tristan Felix, professeure de lettres et artiste, les aide à révéler cette dimension. « Les feuilles mortes sont plus vivantes que nous… » suggère ainsi un de ses élèves de 6e. Ou encore : « Le temps est une bête sauvage qui niche dans nos horloges » propose son camarade de 5e. L’enseignante vient de faire paraître aux éditions PhB le deuxième opus d’aphorismes, de dessins et calligrammes de collégiens, sous le titre très à propos « La Forêt, une pensée brûlante ». Cet ouvrage vient s’ajouter à une précédente publication, datant de 2016, Pensée en herbe du XXIe siècle, qui réunissait déjà des écrits de collégiens de ZEPP, à lire comme Zone d’exploration poétique et philosophique.
Un travail collectif et bienveillant
Tristan Felix est polyforme : poète (elle a publié plus de vingt cinq recueils en vers ou en prose), dessinatrice, photographe, marionnettiste, clown trash (elle a créé le personnage de Gove de Crustace), conteuse en langue imaginaire, chanteuse-bruiteuse… Elle apporte avec elle, en classe, la richesse de son expérience artistique. Cela fait plus de vingt ans que Muriel Martin distille de façon très originale son enseignement dans les classes des collégiens de Marie Curie à qui elle offre la possibilité de donner du sens à leur rapport à la langue, aux textes, et à plonger dans les mystères de leur être à travers une approche créative… Le travail est collectif et bienveillant. On y pratique une « maïeutique socratique visant à favoriser l’or plutôt que le plomb », écrit Tristan Felix dans le préambule du livre, ainsi que le dessin médiumnique, « une pratique employée par les surréalistes en leur temps pour leur apprendre la patience, la colonisation de l’espace de la page par la minutie extrême des motifs répétitifs, et l’immersion en soi, à l’écoute de sa rêverie ».
Le résultat est un ouvrage à feuilleter, à méditer peut-être, en se laissant porter par les mots ou les traits tracés par ces jeunes créateurs en herbe, autour de thèmes aussi essentiels que la beauté, l’infini, le monstre en soi ou encore ce que l’on voit du monde.
Aux yeux de Muriel Martin, cette production est un acte de résistance, une « invitation à penser » comme elle l’explique, « en dehors du prêt à penser dont les enfants et adolescents ne sont pas tant friands que victimes (…). » N’est-il pas temps d’écouter les enfants « pour sauver ce qui reste de la beauté du monde et inventer une vie irréductible à soi ? » •