Le lycée Rabelais a fermé ses portes le 16 février dernier pour des raisons de sécurité et depuis, les cours sont dispensés dans quatre établissements.
Aux difficultés de cette délocalisation s’ajoutent les contraintes sanitaires et maintenant, la violence.
« C’est Apocalypse now ! » D’une seule voix, Olivier R. et Armelle M., deux professeurs qui enseignent depuis plus de dix ans au lycée Rabelais et sont membres du conseil d’administration, dénoncent la situation de leur établissement. Les élèves et les professeurs se trouvent éparpillés sur quatre lieux très éloignés : le lycée Auffray à Clichy-la-Garenne pour la formation post-bac d’infirmier, le lycée François Villon dans le 14e, le lycée Vauquelin, porte d’Ivry et les lycées Jacquard et Bergson dans le 19e, présentés comme fusionnés, mais quand même distants à pied de dix minutes. Les profs qui n’auraient pas choisi l’option vélo comme Olivier, s’entraînent pour un marathon, d’autant que, cocasserie de l’administration, les sonneries des différents lycées ne sont pas synchronisées. De quoi maintenir la forme, surtout si l’on enseigne aussi comme Olivier dans deux autres établissements !
Manque d’anticipation
On a assuré aux professeurs que pour la rentrée 2021 ils pourraient entrer dans des préfabriqués, à proximité de Rabelais. Pour l’instant, aucun signe d’un chantier en cours et « avec la Covid-19, il paraît que les préfas qui sont fabriqués en Italie y sont coincés, du coup, on ne sait pas où on sera l’an prochain » ajoute un élève de première.
En cette rentrée de novembre, les professeurs soulignent que « la rentrée de septembre n’est pas terminée, il y a encore des cartons au lycée Rabelais qui n’ont pas été transportés dans les lieux d’exercice » et ils regrettent tous « le manque d’anticipation de la part de la région » qui s’engage mais ne tient pas ses promesses. Par exemple, la gratuité de la cantine a été promise en dédommagement pour tous les élèves, or « le 11 septembre, on s’est rendu compte que ce n’était pas légal. Du coup par exemple à Clichy, les élèves n’ont pas de cantine et mangent par terre, dans les couloirs ». A l’absence de moyens supplémentaires pour aider dans cette situation nouvelle, s’ajoute le fait que « les élus de la région sont aux abonnés absents ».
Quant aux élèves qui eux, ont cours dans un seul établissement, ils semblent, pour certains, « contents d’être dans un établissement plus grand, où il y a plus d’activités ». D’autres, ceux qui étudient dans les 14e et 13e, sont « fatigués par les deux heures de transport quotidiennes ». L’an dernier, à la fermeture il y avait 1 120 élèves, il y en a maintenant moins de 1000.
Fatigue et violence
« Les enseignants sont déboussolés » dit Armelle qui ajoute : « ce qui me pèse le plus c’est qu’on file à la fin des cours. On n’a plus de temps à consacrer ni aux élèves ni aux collègues pour construire des projets communs ou pérenniser la porosité entre sections techniques et enseignement général », une spécificité de Rabelais. Les élèves disent qu’ils « restent entre ceux de Rabelais ». De plus, le très grave incident du 16 novembre, où un élève de Rabelais a été poignardé à proximité du lycée Bergson, confirme que les rixes continuent dans le nord-est parisien. Il s’agirait d’« une tentative d’homicide avec préméditation » et les professeurs demandent « que le gouvernement s’intéresse davantage à cet établissement. Il faut fournir des structures valides et cesser de trimballer les élèves d’un arrondissement à l’autre ou de leur faire partager un trottoir avec les 1 300 élèves de Bergson ». Ils appellent à une relocalisation du lycée Rabelais hors du lycée Bergson, dans le 9e par exemple au lycée Jacques Decour et mettent en garde contre « une réponse uniquement sécuritaire ». Le rectorat a répondu par un changement de proviseur et des agents à l’intérieur du lycée. Mais pas de surveillance à l’extérieur, comme les autorités s’y étaient engagées auprès des parents.
Lire notre article : Lycée Rabelais un vent de colère, paru dans le numéro 280 de mars 2020. Il faisait suite à l’article : Lycée Rabelais à l’abandon, dans notre numéro de novembre 2019.
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