La décision de la Région de fermer en plein milieu d’année le lycée Rabelais « pour des raisons de sécurité » suscite colère et inquiétude.
Parents, enseignants et élèves ont appris la nouvelle par la presse, au milieu des vacances scolaires, avant qu’elle leur soit confirmée : la Région a décidé de fermer le lycée Rabelais après « une visite de sécurité qui a eu lieu le 10 février ». « Cette visite fait suite à la forte tempête de février qui a provoqué des dégâts et fragilisé une partie de la structure », arguait le communiqué de la Région, précisant que les élèves allaient être dispatchés dans d’autres établissements parisiens pour le restant de l’année scolaire.
Cette annonce a déchaîné la colère et l’indignation des enseignants. En particulier le prétexte de la tempête. Cela fait en effet des années qu’ils alertent sur l’état de déliquescence de leur lycée1. Des filets avaient été posés pour tenter de retenir les pavés de béton qui tombaient des étages supérieurs. « Ce sont désormais des pans entiers de la façade, qui menacent de s’effondrer. Mais cela ne date pas de la tempête », rage Olivier Romain, professeur d’anglais depuis treize ans au lycée. « On nous dit qu’il y a danger, en plein milieu d’année scolaire, alors qu’on le dit depuis longtemps. C’est hallucinant ! » Côté parents, Jean-André Lasserre, président de la FCPE 75 parle de « faute grave » et de « négligence coupable » à l’égard d’un lycée d’un quartier « populaire » laissé à l’abandon. « On savait que l’établissement était en piteux état. Une visite technique sérieuse aurait dû avoir lieu bien avant. »
Le devenir des quelque 1 100 lycéens les inquiète tous. « On nous demande de rassurer les élèves. Mais comment faire, quand on est nous-mêmes catastrophés », soupire Marie-Dominique Lacroix, enseignante en biochimie.
Au moment où nous écrivions ces lignes, le rectorat de Paris était « en train de travailler sur des solutions pour le reclassement des élèves. La rentrée devait être repoussée au 9 mars et l’accueil des classes envisagé dans des lycées du 19e (Bergson, d’Alembert), du 13e et du 14e arrondissement. Mais cette répartition risque d’être un véritable casse-tête. Rabelais avait en effet la particularité de rassembler de nombreuses filières, générales, technologiques, pré et post-bac, avec de multiples spécialités, qu’on ne trouve pas toujours ailleurs. « Les filières infirmières vont avoir du mal à trouver un accueil », alerte Olivier Romain, qui s’inquiète aussi pour ceux qui sont en période d’examen, notamment le bac, et les plus fragiles qui risquent de décrocher. Et comment va-t-on gérer les emplois du temps, et les enseignants qui interviennent dans plusieurs filières ? « Comment vont-ils faire pour travailler dans cinq établissements différents ? » s’interroge Olivier Romain, préoccupé également par le devenir du personnel non enseignant, qui risque de se retrouver au chômage.
Tout est en danger
L’avenir du lycée Rabelais les laisse aussi perplexes. Il devrait être abrité à la rentrée 2020 dans des locaux provisoires « à proximité du site actuel », et réintégrer ses murs rénovés en 2023. Mais il risque de ne pas en sortir indemne. « Début février, nous avons appris qu’on nous enlevait l’agrément pour l’Ecole de travail social : elle avait déjà disparu de Parcoursup ! Etonnant, non ? » souligne Olivier Le Trocquer, professeur d’histoire. Ce qui fait, selon lui, la richesse de Rabelais, c’est son caractère social, la diversité de ses filières et de ses élèves venant de toute la planète, brillants ou en difficulté. « Tout cela est aussi en danger. »
Photo : Sandra Mignot