En un été, l’apparition de terrasses sur la chaussée a changé nos rues. Mais commerçants, consommateurs et riverains ne sont pas sur la même longueur d’onde.
Début septembre, la Ville de Paris a pris la décision de prolonger l’extension gratuite de terrasses sur des places de stationnement pour les cafés, bars et restaurants jusqu’en juin 2021. La Ville les avait autorisées fin mai, au sortir du confinement, jusqu’au 30 septembre « pour maintenir la diversité et la richesse du tissu économique, appuyer la reprise d’activité et faciliter la mise en œuvre de la distanciation physique nécessaire à la lutte contre la Covid-19 ».
Du point de vue économique, les établissements confirment que, s’ils constatent une baisse de leur chiffre d’affaires (environ 30 %), « sans les terrasses éphémères ils auraient mis la clef sous la porte ». La plupart ont créé ces terrasses, souvent décorées de plantes et de fleurs, en les isolant de la rue avec des palettes, barrières en bois et autres canisses qui donnent un air estival. Dans les voies en pente de la butte ont surgi des estrades qui permettent aux clients de se restaurer sans pencher. Les menuisiers ont travaillé très vite ! Certes toutes les terrasses ne sont pas forcément réussies mais elles participent à maintenir une diversité paysagère et la vie dans l’espace public.
Halte au bruit
C’est d’ailleurs là que le bât blesse certains. En effet, pour l’instant, les cafés, bars et restaurants les installent sur simple déclaration, en contrepartie du respect d’engagements en matière « de sécurité, de propreté, de mobilité des piétons, de limitation des nuisances sonores et de respect des horaires d’ouverture et des directives sanitaires ».
Une des règles dont le respect fait polémique est l’horaire de fermeture de ces espaces provisoires qui peuvent être exploités de 8 h à 22 h tous les jours mais qui restent actifs pour certains jusque bien plus tard. Et, comme on le sait, le ton peut monter lorsque plusieurs personnes partagent un verre, et le son grimpe le long des étages où les riverains sont à la recherche du sommeil. Le conflit entre la rue, devenue plus bruyante le soir, et les riverains est là. C’est la DPSP (Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection chargée de la lutte contre les incivilités) qui organise les contrôles pour vérifier qu’il n’y a pas d’occupation abusive (c’est-à-dire sur les trottoirs) et que les horaires sont respectés, donc que le bruit s’arrête à l’heure dite.
Gare aux amendes
Mais, comme le déclare Antoine Dupont, adjoint chargé des mobilités, de la voirie et de la transformation de l’espace public, « il y a beaucoup de dérives de restaurateurs qui utilisent les trottoirs alors que ce n’est pas autorisé ». L’idée est de « libérer de l’espace public pour circuler sans être trop contraint et on arrive à une situation ubuesque, contraire à l’idée de départ ! »
De nombreuses personnes se plaignent de devoir zigzaguer entre les tables et notent que « le respect des distances est vraiment aléatoire », surtout dans le secteur des Abbesses. On connaît ailleurs le cas d’un café qui préfère payer des amendes, nombreuses mais non dissuasives, allant jusqu’à installer des tables devant un banc public, « un cas avéré d’appropriation de l’espace public », plutôt que de respecter la règle. Antoine Dupont voit plus loin : « Qu’est-ce qu’on fait après le 30 juin prochain ? On ne peut pas rester les bras ballants face aux nuisances sonores ! »
Une nouvelle charte doit être rédigée, les contrôles vont augmenter et les amendes atteindre 500 €. Le froid va aussi arriver, mais sera-t-il suffisant pour réguler ce nouvel usage de la voirie, diminuer les nuisances et apaiser les tensions ? •
Séverine Bourguignon